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Littérature, Philosophie - Page 20

  • "Le cerveau reptilien de l'aficionado" (Michel Onfray) et mes commentaires

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    Le conseil constitutionnel vient d’autoriser la poursuite des spectacles de traitements inhumains et dégradants… de l’homme.

    Car assister à une corrida, c’est s’installer dans ce qu’il y a de moins humain dans l’homme : le plaisir pris à la souffrance et à la mise à mort d’un être vivant.

    On a beau envelopper ce rite barbare de fanfreluches culturelles, citer Goya, renvoyer à Picasso, en appeler à Hemingway ou Leiris, les ritournelles culturelles de cette pauvre caste, il n’y a pas de bonnes raisons pour un cortex normalement constitué de travailler en faveur du cerveau reptilien.

    Toute la civilisation est effort d’arrachement de la barbarie pour aller vers la culture : disons-le moins prosaïquement, pour aller du talion à la loi, du viol à sa condamnation, de l’exploitation des enfants à leur éducation – de la corrida à son abolition.

    Il cohabite en chacun de nous un cerveau de l’intelligence et un cerveau de serpent : on doit au premier les artistes, les écrivains, les bâtisseurs, les philosophes, les musiciens, les inventeurs, les pacifistes, les instituteurs ; au second, les tortionnaires, les tueurs, les guerriers, les inquisiteurs, les guillotineurs, et autres gens qui font couler le sang – dont les toreros.

    Sade est le maître à penser des amateurs de corrida : il fut avant les Lumières le dernier penseur féodal pour qui son bon plaisir justifiait le sang versé.

    Il faut en effet un formidable potentiel sadique pour payer son entrée dans une arène où le spectacle consiste à torturer un animal, le faire souffrir, le blesser avec cruauté, raffiner les actes barbares, les codifier, (comme un inquisiteur ou un tortionnaire qui sait jusqu’où il faut aller pour garder en vie le plus longtemps possible celui  qu’on va de toute façon mettre à mort…) et jouir de façon hystérique quand le taureau s’effondre parce qu’il n’y a pas d’autre issue pour lui.

    Dans leur cynisme, les aficionados récusent cette idée de l’impasse dans la mort et renvoient pour ce faire aux rares taureaux graciés - exactement comme le partisan de la peine de mort justifie cette autre barbarie par la possibilité pour un chef d’Etat d’exercer son droit de grâce…

    La preuve que le taureau ne meurt pas toujours, c’est que, selon le caprice des hommes, on décide parfois d’en épargner un sous prétexte de bravoure !

    Qu’un être qui jouisse de l’exercice codifié de la barbarie puisse en appeler à la vertu fait sourire…

    Dans l’arène, il y a tout ce qu’on veut, sauf de la vertu : du sadisme, des passions tristes, de la joie mauvaise, de la cruauté, de la férocité, de la méchanceté.

    J’évite, à dessein, la bestialité, car la bête tue pour se nourrir, pour défendre son territoire, protéger ses petits, vivre et survivre.

    Je ne sache pas qu’il existe dans le règne animal ce spectacle dégradant qui consiste à tuer lentement, pour le plaisir de mettre à mort et de jouir de ce spectacle pour lui-même, avant abandon du cadavre à son néant.

    La mise en scène, l’exhibition de la cruauté, le sang versé pour s’en rassasier, voilà ce qui caractérise l’homme – pas la bête.

    On voudrait également que celui qui n’aime pas la corrida devienne végétarien : c’est ne pas vouloir comprendre que le problème dans la corrida n’est pas la mise à mort, encore que, mais son spectacle à des fins de jouissance.

    Quand le boucher tue pour nourrir la population, il ne jouit pas d’abattre – du moins, il n’entre pas dans sa fonction qu’il en soit ainsi…

    Notre époque sent le sang.

    Quelques-uns s’honorent en ne communiant pas dans cette barbarie défendue par son ancienneté : mais il est dans l’ordre des choses que toute barbarie s’enracine dans la tradition et l’ancienneté.

    L’argument de la tradition devrait être définitivement dirimant.

    Depuis les temps les plus anciens, le mâle viole la femelle, le fort égorge le faible, le loup dévore l’agneau : est-ce une un argument pour que les choses continuent toujours ainsi ?

    Il y a plus d’humanité dans le regard de mes chats que dans celui d’un être qui hurle de joie quand le taureau vacille et s’effondre, l’oeil rempli de larmes et bientôt de néant.

    Michel Onfray©

    http://mo.michelonfray.fr/chroniques/la-chronique-mensuelle-de-michel-onfray-n%C2%B0-89-octobre-2012/

    *******

    Mes commentaires sur ce texte :

    1) Bon point : en finir avec Sade

    "Sade est le maître à penser des amateurs de corrida : il fut avant les
    Lumières le dernier penseur féodal pour qui son bon plaisir justifiait
    le sang versé. "

    Onfray n'aime pas Sade et il le dit.

    Qu'il en soit remercié.

    La dénonciation de cet écrivain... sadique (affaire Rose Keller), surfait (son oeuvre repose sur la violence, le droit du plus fort et une misogynie pathologique), très couru par une intelligentsia blasée en perte singulière de repères, est trop rare pour ne pas être soulignée.

    Je renvoie à : http://www.lepoint.fr/culture/2009-07-23/interview-michel-onfray-sade-est-le-dernier-philosophe-feodal/249/0/363796

    Rappelons d'ailleurs ce que disaient Camus et Steiner à propos de Sade :

    "Le succès de Sade à notre époque s’explique par un rêve qui lui est commun avec la sensibilité contemporaine : la revendication de la liberté totale, et la déshumanisation opérée à froid par l’intelligence […]. Deux siècles à l’avance, sur une échelle réduite, Sade a exalté les sociétés totalitaires au nom de la liberté frénétique."

    Camus, L’Homme révolté                      

    "C’est chez Sade, et aussi chez Hogarth par certains détails, que le corps humain, pour la première fois, est soumis méthodiquement aux opérations de l’industrie. Les tortures, les postures grotesques imposées aux victimes de Justine et les Cent vingt journées établissent, avec une logique consommée, un modèle des rapports humains fondé sur la chaîne de montage et le travail aux pièces. […] On ne peut nier que, dans un sens, le camp de concentration reflète la vie de l’usine, que la ‘solution finale’ est l’application aux êtres humains des techniques venues de la chaîne de montage et de l’entrepôt."

    George Steiner, Dans le château de Barbe-Bleue 

    2) Mauvais point : Onfray ou l'hypocrisie ordinaire

    "On voudrait également que celui qui n’aime pas la corrida devienne végétarien : c’est ne pas vouloir comprendre que le problème dans la corrida n’est pas la mise à mort, encore que, mais son spectacle à des fins de jouissance."
     
    Ah... de l'art de ménager la chèvre (son estomac) et le chou (sa conscience).

    Michel Onfray n'est pas végétarien (moins encore végan), et comme tout homme de bien/humaniste qui se respecte tout en continuant pourtant de consommer des êtres sentients, il trouve une parade en disant que, non, le problème de la corrida "n'est pas la mise à mort, encore que, mais son spectacle à des fins de jouissance."

    C'est singulièrement passer la victime à la trappe.

    Dont acte.

    Mais je veux croire pourtant dans son "encore que", qui contient, en germe, une (r)évolution.

    Michel Onfray, encore un effort si vous voulez être cohérent.

  • Il n'est pas d'art qui ne soit moral

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    « Ah ! esprits ! soyez utiles ! servez à quelque chose.

    Ne faites pas les dégoûtés quand il s’agit d’être efficaces et bons.

    L’art pour l’art peut être beau,

    mais l’art pour le progrès est plus beau encore.

    Rêver la rêverie est bien, rêver l'utopie est mieux.

    Ah ! il vous faut du songe ?

    Eh bien, songez l'homme meilleur.

    Vous voulez du rêve ?

    En voici : l'idéal. »

    Victor Hugo, William Shakespeare

  • Le droit de critiquer des idées

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    Les propos qui touchent à l'identité biologique des êtres sont condamnables et à condamner.

    Tout ce qui ressortit au sexisme, au spécisme, au racisme, etc., est condamnable et à condamner.

    Mais critiquer des idées, des opinions (et la religion n'est que cela) ou des cultures en leur barbarie, est un droit, et même un devoir.

    La responsabilité des récentes violences perpétrées n'est pas à imputer à Charlie Hebdo ou au réalisateur du (très mauvais) Innocence of Muslims, mais bien aux "fous de Dieu" décidés à tuer quiconque n'est pas de leur avis, "provocations" ou pas.

  • Seule compte la sentience (Gary Francione)

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    Les animaux presque humains : ainsi s’intitule la partie d’un cours de psychologie en ligne.

    Elle fournit un parfait exemple de ce qui vient renforcer la notion, gravement problématique, selon laquelle les seules capacités cognitives qui comptent moralement sont les capacités cognitives de type humain — et non pas simplement la sentience, ou la conscience subjective.
     
    Dans la mesure où nous relions le statut moral des animaux aux caractéristiques cognitives situées au-delà de la sentience, nous perpétuons cette arrogance humanocentrique qui constitue le spécisme.

    Le fait de dire que seuls les animaux qui sont « comme nous » comptent sur le plan moral est similaire au fait de dire que les humains à peau claire ont davantage d’importance que les humains à peau foncée.

    Pourtant la question n’est pas de connaître le degré d’ « intelligence » des animaux, ni de savoir s’ils possèdent les capacités mentales que nous reconnaissons comme nôtres.

    Le fait qu’ils soient sentients est la seule caractéristique dont ils ont besoin pour que nous ayons le devoir moral de ne pas les utiliser comme ressources.

    Le « mouvement animaliste », qui en plus de promouvoir l’exploitation « heureuse », continue d’être obsédé par les grands singes nonhumains, les mammifères marins, les éléphants, etc., patauge littéralement dans le spécisme.

    Une telle approche pose un grave problème pour au moins deux raisons :

    1. Elle ignore que les caractéristiques situées au-delà de la sentience ne sont moralement pas pertinentes pour déterminer si nous sommes justifiés à utiliser un être vivant exclusivement comme ressource humaine.

    Replaçons cela dans un contexte humain.

    Le fait d’être « intelligent » peut importer dans certaines situations, comme de savoir si nous devons accorder une bourse d’études à un étudiant, mais est sans pertinence aucune pour savoir si nous avons le droit d’utiliser quelqu’un comme donneur d’organes forcé ou comme sujet non consentant d’une expérience biomédicale.

    Nous devons agir de la même façon dans un contexte impliquant des animaux.

    2. Elle érige le principe suivant : que les animaux, si « pareils à nous » soient-ils, peuvent ne jamais gagner.

    Par exemple, nous savons depuis longtemps que les grands singes nonhumains nous ressemblent à toutes sortes d’égards.

    Pourtant, nous continuons de les exploiter.

    Si « pareils à nous » soient-ils, ils ne le seront cependant jamais assez pour que cette « ressemblance » soit traduite en l’obligation morale, de notre part, d’arrêter de les exploiter.

    Ce que j’appelle l’approche par la « similitude des esprits » (similar minds approach) implique un jeu auquel les animaux ne peuvent jamais gagner.

    Ils ne seront jamais assez « pareils à nous ».

    Question finale : le fait de se focaliser sur la sentience elle-même établit-il une hiérarchie des êtres sentients sur les êtres non sentients ?

    Non, parce que la sentience est une caractéristique nécessaire et suffisante pour posséder des intérêts (des préférences, des désirs, une volonté) en premier lieu.

    Un rocher n’est pas sentient ; il n’aaucune sorte d’esprit manifestant des préférences, des désirs ou une volonté de quoi que ce soit.

    Une plante est vivante mais n’a aucune sorte d’esprit manifestant des préférences, des désirs ou une volonté de quoi que ce soit.

    Il est intéressant de noter que le « mouvement animaliste » lui-même perpétue l’idée que les poulets (les animaux les plus exploités en termes purement numériques) manquent tous de ces caractéristiques cognitives « spéciales », et que nous pouvons donc continuer de les utiliser comme ressources dès lors que nous le faisons « avec humanité ».

    Et bien que la liste des sept animaux dont il est question dans ce cours de psychologie inclue les animaux autres que ceux que les animalistes ont coutume de fétichiser, elle exclut toujours les poulets ainsi que nos principales sources de produits laitiers : les vaches.

    Comme c’est pratique.

    *****
    Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le.

    Le véganisme est une question de non-violence.

    C’est avant tout une question de non-violence envers les autres êtres sentients.

    Mais c’est également une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

    Gary L. Francione
    Professeur, Rutgers University
    ©2012 Gary L. Francione

     
    Texte original :
  • Véganisme : une bonne résolution pour la rentrée

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    VOUS PENSEZ QUE LES ANIMAUX ONT UNE VALEUR MORALE, ET PAS SEULEMENT LES CHIENS ET LES CHATS ?

    QU'ILS N'ONT PAS A ETRE EXPLOITES AU NOM DU PLAISIR GUSTATIF, DE LA MODE OU DU DIVERTISSEMENT ?

    VOUS SOUSCRIVEZ AU PRINCIPE DE NON-VIOLENCE ?

    DEVENEZ VEGAN : le véganisme est le seul mode de vie cohérent avec vos idées,

    le seul mode de vie permettant la fin de l'exploitation de ceux que vous affirmez défendre.

  • « Animaux de compagnie » : les problèmes inhérents à la domestication (Gary Francione)

    http://dogbreedinsight.com/wp-content/uploads/2012/01/Labrador-Retriever-17.jpg

    Dans la pratique, le système consistant à posséder des « animaux de compagnie » n’est absolument pas cohérent avec une théorie sensée des droits des animaux.

    Les « animaux de compagnie » sont des propriétés et, en tant que tels, la valeur qu’on leur accorde dépend finalement de ce que leurs « propriétaires » en décident.

    Mais vous pourriez demander : « Et si c’était possible ? Si, de manière hypothétique, nous changions le statut légal des chiens et des chats de sorte qu’ils ne soient plus des propriétés et acquièrent un statut proche de celui des enfants humains, continuer la reproduction des chiens et des chats (ou d’autres non-humains) et détenir des « animaux de compagnie » serait-il dès lors moralement justifiable ? »

    Ma réponse à cette question purement hypothétique est « non ».

    Nous ne pouvons justifier la perpétuation de la domestication dans l’objectif d’avoir des « animaux de compagnie ».

    Les animaux domestiqués dépendent de nous pour tout ce qui est important dans leurs vies : quand et si ils vont manger ou boire, quand et où ils vont dormir ou se soulager, s’ils obtiendront de l’affection ou s’ils feront de l’exercice, etc.

    Bien qu’on puisse dire la même chose concernant les enfants humains, la majorité d’entre eux deviennent, une fois adultes, des êtres indépendants et autonomes.

    Les animaux domestiques ne font pas réellement partie de notre monde, ni du monde des non-humains.

    Ils sont pour toujours dans un enfer de vulnérabilité, dépendant de nous en toute chose et en danger dans un environnement qu’ils ne comprennent pas vraiment.

    Nous les avons élevés afin qu’ils soient conciliants et serviles, qu’ils soient dotés de caractéristiques qui sont réellement dangereuses pour eux mais plaisantes pour nous.

    Nous pouvons les rendre heureux dans un sens, mais cette relation ne peut jamais être « naturelle » ou « normale ».

    Ils ne font pas partie de notre monde et y sont coincés, indépendamment de la façon dont nous les traitons.

    Nous ne pouvons justifier un tel système, quand bien même il serait très différent de la situation actuelle.

    Ma compagne et moi vivons avec cinq chiens sauvés, dont certains souffraient de problèmes de santé lorsque nous les avons adoptés.

    Nous les aimons beaucoup et nous efforçons de leur procurer les meilleurs soins et traitements.

    (Et avant que quelqu’un pose la question, nous sommes végans tous les sept !)

    Vous ne trouveriez probablement pas sur cette planète deux autres personnes aimant plus que nous vivre avec les chiens.

    Et nous encourageons toute personne à adopter ou accueillir autant d’animaux (de n’importe quelle espèce) qu’elle le peut de façon responsable.

    Mais s’il n’y avait plus que deux chiens dans l’univers et qu’il ne tenait qu’à nous de décider s’ils pourraient se reproduire afin que nous puissions continuer à vivre avec des chiens, et même si nous pouvions garantir que tous ces chiens auraient un foyer aussi aimant que le nôtre, nous n’hésiterions pas une seconde à mettre fin au système de possession d’« animaux de compagnie ».

    Nous considérons les chiens avec qui nous vivons comme des sortes de réfugiés, et bien que nous appréciions prendre soin d’eux, il est clair que les humains n’ont pas le droit de continuer à faire naître ces créatures dans un monde auquel ils ne sont tout simplement pas adaptés.

    Je comprends qu’un grand nombre de gens soient déconcertés par mon argumentation sur les problèmes inhérents à la domestication.

    Mais c’est parce que nous vivons dans un monde où nous tuons et mangeons 56 milliards d’animaux par an (sans compter les poissons), et où notre meilleure « justification » d’un tel acte est que nous apprécions le goût de la chair animale et des produits d’origine animale.

    La plupart d’entre vous qui lisez ces lignes ne sont probablement pas végans.

    Aussi longtemps que vous penserez qu’il est acceptable de tuer et de manger les animaux, l’argument le plus abstrait concernant leur domestication en vue de les exploiter en tant qu’ « animaux de compagnie » n’est certainement pas en mesure de faire écho en vous.

    J’en suis conscient.

    Par conséquent, prenez quelques minutes pour lire certains des nombreux autres essais de ce site qui parlent du véganisme, tels que : « Pourquoi le véganisme doit être la base du mouvement » .

    Ensuite, reconsidérez la question des « animaux de compagnie ».

    J’en discute également dans deux podcasts : Commentaire n° 2 : « Animaux de compagnie » et Commentaire n° 4 : suite d’ « Animaux de compagnie » : « Les chats non végétaliens ».

    ******

    Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le.

    Le véganisme est une question de non-violence.

    C’est avant tout une question de non-violence envers les autres êtres sentients.

    Mais c’est aussi une question de non-violence envers la Terre et envers vous-même.

    Si vous êtes dans la capacité d’adopter ou d’accueillir momentanément un animal, s’il vous plaît, faites-le.

    La domestication est moralement condamnable, mais les animaux qui existent ici et maintenant ont besoin de nos soins.

    Leurs vies sont aussi importantes pour eux que les nôtres le sont pour nous.

    The World is Vegan! If you want it.

    Gary L. Francione
    Professeur, Rutgers University

    ©2012 Gary L. Francione

    http://fr.abolitionistapproach.com/2012/07/31/animaux-de-compagnie-les-problemes-inherents-a-la-domestication/

    Texte original : http://www.abolitionistapproach.com/pets-the-inherent-problems-of-domestication/

  • A propos des Manifestations pour la Libération Animale et du sens du mot « abolition »

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    Cet article devait initialement paraître en début d'année dans la revue Vegmag qui entre-temps a disparu.

    Pour la première fois en France, un cycle de manifestations abolitionnistes (appelées « Manifestations pour la Libération Animale »), initié par Dominique Joron et Nathalie Breuil, a lieu depuis janvier 2012 dans plusieurs villes de France, chaque premier samedi du mois.

    L’abolition des diverses pratiques d’exploitation des animaux y est clairement revendiquée, aussi bien sur les panneaux brandis par les militants que sur le texte de présentation[1].

    Fort étrangement pourtant, le terme de « véganisme » n’apparaît pas ou apparaît peu sur les divers supports relayant l’événement, alors que le véganisme éthique constitue le fondement même du mouvement pour les droits des animaux.

    Cette absence relative d’un terme qui, en France, continue de gêner et de générer des discordes profondes au sein du « mouvement » animaliste actuel (un mouvement essentiellement welfariste, qui démontre chaque jour davantage son inutilité et son obsolescence, sinon sa totale contre-productivité), n’est pas un hasard si l’on considère que seuls les végans sont moralement justifiés à participer à ce genre de manifestations, qui sont l’occasion pour nous de rappeler ici quelques fondamentaux, à commencer par le sens du mot « abolitionnisme ».

    Le terme est né en Occident à la fin des années 1770 et désigne la lutte pour la suppression de l’esclavage des humains.

    Il qualifiera ensuite plus généralement l’ensemble des mouvements œuvrant pour le bannissement de lois, de traditions ou d’institutions telles que la peine de mort, la torture ou la prostitution.

    C’est, au XVIIIe siècle, un concept d’une nouveauté radicale, car, contrairement aux mouvements précédents qui ne faisaient que s’opposer à une pratique, qu’ils voulaient la plupart du temps simplement assouplir, l’abolitionnisme proposait en plus un modèle de société et d’économie alternatif — or nous savons à quel point l’aspect économique est capital dans l’exploitation animale.

    Dans le contexte animaliste, l’abolitionnisme vise au bannissement de toutes les pratiques d’exploitation des animaux ainsi que de leur mise à mort.

    Il vise à restituer leurs droits fondamentaux aux êtres sentients nonhumains et à les garantir de l’esclavage (c’est-à-dire du fait d’être traités comme des produits et des ressources humaines), de la souffrance et de la mort imposées.

    Par conséquent, un abolitionniste, c’est-à-dire un partisan de l’abolition de l’exploitation animale, est nécessairement végan.

    Aussi les personnes prenant part à ce cycle de manifestations abolitionnistes doivent-elles être véganes.

    Or, depuis le départ, nous entendons ici et là des « appels » à ce que même des non-végans aient le droit de militer dans le cadre de ces manifestations, au nom de la « tolérance » et de l’ « ouverture d’esprit ».

    Sur la page Facebook de l’événement, on découvre d’ailleurs, dans la liste des participants et des sympathisants, les noms de personnes non-véganes, ce qui va clairement à l’encontre de l’événement lui-même, trahit les intentions des organisateurs et fausse le sens et la portée du message abolitionniste.

    Paradoxalement, ceux qui appellent à la « tolérance » envers les non-végans sont également ceux qui n’admettent pas que l’on affirme que les mots ont un sens et que les mots sont importants.

    Ils n’admettent pas que l’on puisse dire que l’abolitionnisme exclut nécessairement les non-végans et coupent court à toute discussion sous prétexte que c’est là un débat « inutile », du « temps perdu », et qu’à la place nous devons nous « concentrer sur les animaux ».

    Or précisément, tout le problème est là : nous militons pour les animaux, et c’est bien d’eux, et seulement d’eux, qu’il s’agit.

    La philosophie végane abolitionniste est très simple et rationnelle : l’on ne peut prétendre défendre les animaux si par ailleurs on participe directement à leur exploitation en consommant des produits d’origine animale.

    Le véganisme est le seul mode de vie moralement cohérent dès lors qu’on prétend défendre les droits des animaux.

    Un « humanitaire » qui violerait les enfants qu’il est chargé de protéger ne serait plus un humanitaire, mais un exploiteur, et nul ne tolérerait qu’il participe à une marche blanche pour les droits des enfants.

    De la même façon, un « animaliste » qui consomme des produits d’origine animale n’est plus un défenseur mais un exploiteur, en ce qu’il consomme des produits qui ne peuvent être obtenus que par l’exploitation, la torture et la mort de ceux-là mêmes qu’il prétend respecter.

    Qu’il accepte ou non de le reconnaître, un exploiteur ne respecte pas l’exploité, et ne saurait décemment militer pour celui-ci ni pour la fin de son exploitation.

    Ces manifestations lancées par Dominique et Nathalie sont des manifestations abolitionnistes.

    Par conséquent, nul non-végan n'a la légitimité d'y participer — sauf si bien sûr la personne a réfléchi entre-temps à l’incohérence de son comportement, à l’absence de conformité entre ce dernier et le principe de respect de la personne animale (dont elle affirme par ailleurs reconnaître la validité), et qu’elle mette tout en oeuvre, à commencer sa propre volonté, pour devenir végane le plus tôt possible.

    Le fait que des végétariens et d’autres consommateurs de produits d’origine animale participent à une manifestation abolitionniste est, à notre sens, extrêmement grave en ce qu’il gauchit le message initial et fait croire au grand public qu’il est à la fois possible de lutter contre un problème X tout en étant à l’origine de ce même problème X.

    Il est tout à fait tragique de constater que, pour la première fois qu’en France de telles manifestations abolitionnistes sont inaugurées sur le long terme, et alors même qu’elles prennent leurs distances avec le welfarisme et les campagnes ciblées, elles se voient néanmoins trahies dans leur essence par des éléments non-végans qui n’ont rien à faire en leur sein, et « remises » malgré elles sur les rails du welfarisme traditionnel.

    A ce stade de notre article, nous devons d’ailleurs émettre une critique à l’égard du texte de présentation de ces manifestations, qui concerne la formulation de la revendication suivante :

    « Abolition des productions de viande, lait, œuf. »

    Abolir la production de produits d’origine animale ne veut rien dire.

    C’est un peu comme si vous vouliez stopper une hémorragie non pas à partir de la blessure initiale, mais du coton qui l’éponge.

    C’est parce que les gens demandent des produits d’origine animale que les exploiteurs existent.

    Tant que l’on n’aura pas aboli, en amont, la demande en produits d’origine animale, il est évident que les exploiteurs continueront d’exister en aval, pour satisfaire ladite demande.

    De même pour la prostitution : s’il n’y avait pas de « clients » en amont, il n’y aurait pas de prostitué-e-s en aval.

    Il ne sert à rien de pénaliser les proxénètes et les prostitué-e-s qui ne font que répondre à la demande de certains hommes.

    Par conséquent, l’on ne peut abolir la prostitution que si l’on rend la demande du client illégale.

    De la même façon, l’on ne peut abolir l’exploitation animale que si l’on supprime la demande en produits d’origine animale.

    Le jour où la demande baissera, voire stoppera, alors plus personne ne songera à exploiter les animaux ni à vendre le produit de leur exploitation, parce que cela ne rapportera plus rien.

    Et la seule façon de voir un jour supprimée la demande en produits d’origine animale, c’est de montrer soi-même l’exemple dès maintenant en devenant végan et en sensibilisant pacifiquement les gens au véganisme.

    Dire que l’on veut abolir la production de produits d’origine animale et non la consommation de ces mêmes produits, constitue une déresponsabilisation pure et simple du client/consommateur qui, par sa demande, crée lui-même, et à lui seul, l’exploitation[2].

    Et comme par hasard, ceux qui, au sein du « mouvement », appellent à la « tolérance » envers les non-végans sont précisément les non-végans eux-mêmes, qui voudraient — sans mauvais jeu de mots — avoir le beurre et l’argent du beurre, c’est-à-dire le droit à une conscience propre tout en continuant d’exploiter les animaux en consommant les substances issues de leurs corps (viande, œufs, produits laitiers, cuir, soie, miel, laine, etc.), ce qui est évidemment impossible.

    On ne respecte pas les animaux lorsqu’on consomme des produits d’origine animale.

    Prétendre le contraire relève de la mauvaise foi, de l’hypocrisie ou de l’ignorance.

    Même si d’aucuns peuvent choisir de nier la définition de l’abolitionnisme, il n’en reste pas moins qu’être abolitionniste, c’est œuvrer pour la fin de l’exploitation animale, et qu’œuvrer pour la fin de l’exploitation animale, c’est être végan puisqu’une personne consommant un ou des produits d’origine animale participe directement à l’exploitation et ne saurait donc, dans les faits et en philosophie, œuvrer contre.

    C’est là une question de logique pure : si vous luttez contre un problème X, vous ne pouvez parallèlement créer ou alimenter ce même problème X.

    Les abolitionnistes doivent également faire face à une autre catégorie d’opposants, plus subtils, qui peuvent être végans tout en étant partisans de la politique des « petits pas » ou encore de ce que l’on appelle en philosophie le « graduellisme », par opposition à l’ « immédiatisme ».

    Ils sont ce que Gary L. Francione nomme les « néowelfaristes », c’est-à-dire les personnes qui défendent la position selon laquelle l’amélioration graduelle du bien-être animal mènera à long terme à l’abolition de l’exploitation, qui ont foi en l’efficacité des campagnes ciblées et ne croient pas en la nécessité pratique et morale de l’approche végane abolitionniste.

    Dans le cadre de l’abolition de l’esclavage humain, les « immédiatistes » étaient de la même manière en butte aux attaques des « graduellistes », dont certains instrumentalisaient le mouvement afin de retarder l’abolition effective de l’esclavage.

    De la même manière, certains welfaristes ou néowelfaristes n’ont aucun intérêt — financier — à ce que l’exploitation animale disparaisse.

    L’exemple des partenariats entre grosses associations animalistes et exploiteurs, notamment aux Etats-Unis (mais pas seulement), en est la preuve.

    Les grosses associations animalistes n’ont aucun intérêt à ce que l’exploitation animale prenne fin parce qu’elles vivent de l’exploitation animale.

    Elles gagnent de l’argent en plébiscitant de fausses victoires pour les animaux, quand la réalité est tout autre : jamais les animaux n’ont été autant exploités qu’aujourd’hui ni en aussi grand nombre, et le welfarisme, tout comme les campagnes ciblées, ont démontré leur invalidité pratique.

    Mais si l’on veut continuer à avoir de nombreux donateurs, alors on est forcé de faire des compromis avec les exploiteurs.

    On se met à créer, avec eux, des labels viande/produits laitiers/œufs « heureux », ménageant ainsi les adhérents, qui continueront de faire de généreux dons et de consommer des produits d’origine animale en toute bonne conscience puisque les associations mêmes auxquelles ils adhèrent ont apposé leur label sur lesdits produits.

    Seulement, l’abolitionnisme refuse la mauvaise foi.

    Il refuse la bonne conscience.

    Il met les gens face à leurs responsabilités morales.

    Appeler, comme certains le font, à la « tolérance » ou à l’ « ouverture d’esprit » vis-à-vis des végétariens et des autres consommateurs de produits d’origine animale n’est rien d’autre que du spécisme, car personne ne songerait à lancer ce genre d’appel si des exploités humains étaient en jeu.

    Nul militant pour les droits des humains ne songerait à être « tolérant » envers une personne raciste, sexiste ou homophobe.

    Dire qu’il faut être tolérant envers les non-végans prouve une chose : que l’on ne prend pas les animaux tout à fait autant au sérieux qu’on le prétend, qu’on ne les juge, enfin, pas les égaux des humains.

    Etre abolitionniste, c’est nécessairement être végan, et vice-versa.

    C’est abolir la frontière illusoire qui, pour le moment, compartimente l’exploitation animale, faisant accroire aux gens que certaines formes d’exploitation sont pires que d’autres, ou qu’il existe une différence morale pertinente entre la viande et les autres produits d’origine animale.

    Or la vérité est la suivante : il y a autant de souffrance, sinon plus, dans un yaourt ou une omelette que dans un steak, et il n’est pas d’exploitation « heureuse ».

    Il ne s’agit pas de juger les non-végans, mais de les mettre face à leurs responsabilités et de leur dire la vérité, à savoir que toute consommation de produits d’origine animale implique d’exploiter, de faire souffrir et de tuer les animaux.

    Devenir végan est facile.

    C’est la moindre des choses que nous devons aux animaux, à savoir les respecter intégralement en tant qu’individus et ne pas participer à leur exploitation en consommant les produits issus de leur esclavage, de leur torture et de leur mort.

    Soyons tous des végans abolitionnistes.

    Il s’agit là d’un impératif moral dont dépendent la validité et la légitimité du mouvement.

    Reconnaître le véganisme comme la base morale du mouvement des droits des animaux ne doit souffrir aucune équivoque, et toute tergiversation, tout compromis, tout laps de temps mis entre cet impératif moral et l’action abolitionniste doit être éliminé, parce qu’on ne transige pas avec l’injustice, et qu’on ne doit pas tolérer l’intolérable.

    Méryl Pinque

    Vegan.fr


    [1] Consultable en ligne sur : https://www.facebook.com/events/228535073881497/

    [2] Nous avons conscience qu’il s’agit, dans le cas de Dominique et Nathalie, d’une erreur de formulation involontaire.

  • Mise au point

    http://2.bp.blogspot.com/_bFYlCyavCjU/SpeFU4mxLeI/AAAAAAAANoU/x5L4suXWmN0/s400/21+-+Pendant+que+le+ciel+se+barre+d%27obscurantisme.bmp

    « Une bonne partie de l’antifascisme d’aujourd’hui (…) est soit naïf et stupide, soit prétextuel et de mauvaise foi ; en effet, elle combat ou fait semblant de combattre un phénomène mort et enterré, archéologique, qui ne peut plus faire peur à personne.

    C’est, en somme, un antifascisme de tout confort et de tout repos ».

    Pier Paolo Pasolini

    ***

    Victime à très petite échelle d'une chasse aux sorcières qui sévit désormais partout, je tiens à faire une mise au point.

    Parce que, sur ce blog, j'ai dit que Bardot n'était pas raciste.

    Parce que, sur ce blog, j'ai dit que l'islam nie les droits des femmes.

    Parce que, sur ce blog, j'ai dit que l'islamisme représente un danger pour le monde libre.

    Parce que, sur ce blog, je me suis interrogée sur la légitimité de pratiques rituelles sacrificielles d'animaux (juives et musulmanes) dans un pays qui ne pratique pas le sacrifice religieux des animaux.

    Parce que, sur ce blog, j'ai pointé du doigt la naïveté d'une partie du monde occidental qui ne voit pas le danger de l'islamisme de la même façon qu'hier nous n'avons pas voulu voir le danger qu'Hitler représentait,

    je suis exposée à des accusations de racisme qui me dégoûtent, me heurtent profondément et contre lesquelles je ne peux que réagir.

    N'ayant de ma vie glissé dans l'urne démocratique un bulletin autre que blanc (il m'a toujours été impossible de pencher pour l'un ou l'autre des candidats qu'on nous propose), je pourrais rire du grotesque de ces attaques, mais leur gravité et la bêtise qu'elles recouvrent m'en empêchent.

    D'ores et déjà, mêler Vegan.fr ou les membres de Vegan.fr à mon blog (qui ne dépend que de moi-même) et aux quelques idées socio-politiques qu’il contient est tout simplement délirant.

    Les membres de Vegan.fr sont des individus et non un clan.

    Chaque individu a ses propres idées sur tout un tas de sujets et je vois mal en quoi les idées de l’un devraient être considérées comme étant les idées de l’autre, ou en quoi le fait que l’un expose ses idées sur tel sujet signifierait que l’autre a lui aussi ces idées.

    Donc il serait bienvenu de laisser Vegan.fr en dehors de ça.

    Quant à savoir si Vegan.fr doit organiser, comme au bon vieux temps du maccarthysme (ce serait ici une version à rebours du maccarthysme, consistant à voir des bruns partout comme la bande à McCarthy voyait partout des rouges) une chasse aux sorcières afin de m’en évincer, seuls les membres de l’association en décideront et certainement pas de petits juges autoproclamés n'ayant rien à voir avec Vegan.fr et dont le but n'est manifestement que de semer la  zizanie et s'établir grands inquisiteurs.

    Le temps est à la paranoïa collective, attention de ne pas y sombrer.

    1) BARDOT

    Quiconque possède la moindre parcelle de flair verra au-delà des mots, des bourdes, des maladresses et des apparences, et ne pourra que tomber d’accord sur le fait que Bardot n’est pas raciste, tout simplement parce qu’elle n’a pas en elle la méchanceté de l’être.

    Ceci peut paraître simpliste et pourtant, c'est une défense qui en vaut bien une autre.

    L’anti-Bardotisme (pardon pour ce vilain néologisme) des bien-pensants me dégoûte parce qu’il ressemble à une véritable curée et parce qu’il est à côté de la plaque.

    Bien que je sois en désaccord avec sa vision du combat pour les animaux, elle reste quelqu’un à qui je dois quelque chose puisque c’est grâce à elle qu’à 6-7 ans je suis « entrée » dans la défense animale.

    Je suis simplement consciente de cette dette.

    On a le droit de ne pas aimer Bardot, on a le droit de la critiquer sur certaines de ses dérives langagières, mais on n’a pas à l’accuser d’être raciste.

    On a aussi le droit de l’apprécier un peu pour ce qu’elle a permis aux Français, vers 1960, de découvrir la réalité d’une condition animale que tout le monde ignorait ou méprisait.

    On a même celui de ne pas parler d'elle du tout.

    P.-S. : leçon de cours élémentaire en forme de truisme : ce n'est pas parce que vous dites d'une personne X qu'elle n'est pas raciste que cela fait de vous un raciste.

    2) HALAL / CASHER

    J'ai bien précisé dans mon article qu'un tel débat était vain dans le cadre de l'exploitation animale proprement dite.

    Il est évident qu'on n'a pas à mettre dessus l'accent pour dédouaner les abattages non rituels et donner ainsi bonne conscience aux omnivores non musulmans/juifs.

    En revanche, je m'interrogeais sur la légitimité de telles pratiques religieuses sacrificielles au sein d'un pays (la France) qui ne pratique plus le sacrifice animal et a par ailleurs derrière lui une longue tradition d'anticléricalisme.

    Et dans ce cas : pourquoi avoir fait et continuer de faire la chasse aux curés si c'est pour ensuite s'agenouiller aux pieds des imams, des rabbins, et tolérer l'intolérable sous prétexte qu'ils ne sont pas chrétiens ?

    Où l'on est contre la religion et on est contre toutes les religions, ou alors on les respecte toutes.

    Pour en revenir à la question du sacrifice animal.

    On me répondra : et l'agneau Pascal alors ?

    Mais l'agneau Pascal, dans un pays qui n'est plus guère religieux, est, comme Noël, depuis longtemps une fête profane : celle des commerçants et des consommateurs.

    Ce qui, par rapport aux victimes animales, ne la rend évidemment pas plus excusable.

    Mais, du point de vue anthropologique, et comme le dit Abdelwahab Meddeb plus bas sur cette page, il y a une différence.

    Sur Wikipédia, à l'article "Agneau", on peut en outre lire ceci :

    "Dans les grandes religions modernes, l'agneau est sacrifié à Dieu, sauf dans le christianisme car Jésus a aboli le sacrifice animalier."

    Toujours sur Wikipédia, à l'article "Sacrifice" :

    "Jésus dans l'évangile de Saint Mathieu comdamne le sacrifice des animaux.

    • 9.13 : Allez, et apprenez ce que signifie: Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices. Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs.
    • 12.7 : Mais si vous saviez ce que signifient ces paroles : je veux miséricorde, et non pas sacrifice, vous n'auriez pas condamné ceux qui ne sont point coupables. (Ceux qui ne sont point coupables, des innocents = les animaux.)"

    De même, Bouddha s'opposait au sacrifice animal.

    Voir : http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/le-bouddhisme-et-la-viande-77641

    Des personnes de culture musulmane s'élèvent elles-mêmes avec force contre ce rite prescrit par l'islam.

    Ecoutons par exemple Abdelwahab Meddeb, écrivain, poète, directeur de la revue internationale Dédale et professeur de littérature comparée à l'Université Paris X : http://perseides.hautetfort.com/archive/2009/11/27/abdelwahab-meddeb-bravo-et-merci.html

    Je cite :

    "C'est une chance, c'est une chance pour l'islam que des musulmans soient en France et qu'ils soient frustrés de cela [qu'il n'y ait pas d'abattoir rituel installé en Seine Saint-Denis], parce que j'estime, d'un point de vue anthropologique, que celui qui continue de sacrifier ne peut pas évoluer, et ça me paraît essentiel et important de vivre aujourd'hui un sacrifice symbolique, un sacrifice mental.

    Nous sommes de plus en plus nombreux sur cette terre, il y a 1,5 milliard de musulmans.

    Vous imaginez, il y aurait 700 millions de bêtes qui seraient abattues en une journée ?

    Vous imaginez le bain de sang que c'est ?

    Vous imaginez les ruisseaux de sang que c'est ?

    Vous imaginez la catastrophe que c'est ?

    J'ai un ami, l'anthropologue marocain de Princeton Abdellah Hammoudi, qui a écrit un livre très intéressant sur le pèlerinage.

    Il décrit l'usine abominable, abominable, qui reprend toutes ces bêtes qu'elle sacrifie pour les mettre ensuite en boîtes destinées à la charité islamique et à la distribution aux pays pauvres, et cet espace est tout simplement un espace nauséabond.

    Les 2 ou 3 millions de pèlerins musulmans, chacun sacrifiant sa bête, 3 millions de bêtes tuées en une journée par un système de modernisation assez spectaculaire et totalement automatisé, c'est quelque chose de proprement terrifiant.

    J'appelle véritablement les musulmans à savoir vivre un sacrifice symbolique, à être dans un sacrifice mental.

    Cela est possible et je sais que beaucoup de musulmans le font ; beaucoup de patriciens, beaucoup de gens d'une certaine distinction qui ont une sorte d' horreur du sang se débarrassent de ce rite du sacrifice, du sang versé qui nous vient de Rome, de Grèce, qui nous vient du paganisme.

    C'est un rite du paganisme, mais le propre du monothéisme est peut-être dans le dépassement des pratiques païennes."

    L'évolution d'une religion (d'une pensée autrement dit) évolue d'abord à travers sa propre remise en cause.

    Ce n’est pas parce que je ne suis pas d’origine arabe comme Abdelwahab Meddeb que je n’ai pas le droit de penser ce qu’il pense.

    Abdelwahab Meddeb n’est pas raciste de penser ce qu’il pense, tout comme je ne suis pas raciste de penser la même chose que lui au sujet de l'abattage rituel et de dénoncer celui-ci pour ce qu'il est : une horreur sans nom.

    3) LES MOTS SONT IMPORTANTS

    Tout le problème vient du fait que la pensée politiquement correcte (visible dans la conversation du forum où le "scandale" a éclaté comme en tant d'autres lieux) confond allégrement deux concepts distincts : celui de race d'une part, et de religion d'autre part.

    Or de même que tous les Blancs ne sont pas chrétiens, de même tous les Noirs ou Arabes ne sont pas musulmans ni ne veulent l'être.

    Critiquer un être pour sa couleur de peau, pour ses gènes, pour ce qu'il est biologiquement, c'est du racisme.

    Critiquer une culture ou une religion parce qu'elle est aliénante ; critiquer les adeptes de ces cultures et de ces religions aliénantes, ce n'est pas du racisme : c'est de l'humanisme.

    Si je condamne les chrétiens intégristes (ce que je fais aussi), nul ne dira de moi que je suis raciste : au contraire, j'en serai chaudement félicitée.

    De la même façon, j'ai le droit de condamner l'islamisme sans être taxée de racisme.

    Bien que je m’inscrive en faux contre l’humanisme en raison du "sacrifice" qu’il fait des animaux, dans un cadre strictement humain, je m’en réclame.

    L'islam et la culture islamique aliénant l'être humain (particulièrement les femmes), je m'oppose à l'islam et à la culture qu'il sécrète.

    Ne sont visés ici que les aspects fascistes des religions et des cultures (je n'emploie pas le terme "fasciste" à la légère, contrairement à ce que veut la mode actuelle), toute culture et tout héritage religieux méritant respect dans ce qu'ils ont de noble.

    Je ne nie pas l'héritage chrétien de l'Europe, moins encore la culture européenne qui est la mienne et qui est pétrie de christianisme.

    De la même façon, je ne nie pas non plus les autres cultures ou religions dans leur ensemble : encore une fois, seuls leurs aspects intégristes sont visés, même si je reste fondamentalement persuadée que le phénomène religieux participe à l'aliénation humaine per se.

    Du temps des Croisades, je me serais insurgée contre les Croisades et leur politique expansionniste.

    Mais le temps des Croisades est révolu et a laissé place à d'autres "croisades" tout aussi dangereuses qui n'ont pas à ne pas être combattues sous prétexte qu'elles ne sont pas le fait des Occidentaux.

    Le fait de dédouaner l'autre de toute responsabilité, de toute violence, de tout crime sous prétexte qu'il n'est pas Blanc, n'est ni plus ni moins que la forme moderne du paternalisme.

    J'ose même écrire que c'est une forme pernicieuse et particulièrement élaborée de racisme.

    Parce que, comme Taslima Nasreen dont j'épouse en tout point le combat, je me positionne contre l'islam, contre les islamistes et plus généralement contre tout ce qui, dans les cultures et les religions, aliène l'individu, je me vois traitée de "raciste" et d'"islamophobe", les deux termes étant jugés par mes détracteurs synonymes.

    Or personne ou presque ne sait que le concept d'islamophobie a été forgé par les islamistes eux-mêmes afin de piéger le débat.

    Sur cette intéressante question, on lira avec profit, de Caroline Fourest et Fiammetta Venner : http://www.prochoix.org/frameset/26/islamophobie26.html.

    Deux paragraphes se révèlent particulièrement intéressants dans le contexte de cette discussion :

    "Plus inquiétant, de plus en plus de militants de gauche, y compris antiracistes, participent à cet amalgame en faisant de la question du foulard islamique une question de "racisme" et non plus une question d'"intégrisme".

    Comme s'il n'était plus possible d'être à la fois antiraciste et opposé aux interprétations sexistes du Coran sous peine de se voir traiter d'"islamophobes".

    Les militants laïques, ceux qui ne souhaitent pas voir de signes religieux ostentatoires et prosélytes entrer à l'école, ceux qui s'opposent aux diktats de la religion des extrémistes, sont aussitôt soupçonnés de racisme.

    Comment en est-on arrivé là ?

    Par quel retournement de situation hallucinant, le débat public français a-t-il pu être piégé et verrouillé à ce point ?

    La réponse tient en un seul mot : "ISLAMOPHOBIE".

    Le mot “islamophobie” a une histoire, qu'il vaut mieux connaître avant de l'utiliser à la légère.

    Il a été utilisé en 1979, par les mollahs iraniens qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le voile pour de "mauvaises musulmanes" en les accusant d'être "islamophobes".

    Il a été réactivité au lendemain de l'affaire Rushdie, par des associations islamistes londoniennes comme Al Muhajiroun ou la Islamic Human Rights Commission dont les statuts prévoient de “recueillir les informations sur les abus des droits de Dieu”.

    De fait, la lutte contre l'islamophobie rentre bien dans cette catégorie puisqu'elle englobe toutes les atteintes à la morale intégriste (homosexualité, adultère, blasphème, etc.).

    Les premières victimes de l'islamophobie sont à leurs yeux les Talibans, tandis que les "islamophobes" les plus souvent cités par ces groupes s'appellent Salman Rushdie ou Taslima Nasreen !

    En réalité, loin de désigner un quelconque racisme, le mot islamophobie est clairement pensé pour disqualifier ceux qui résistent aux intégristes : à commencer par les féministes et les musulmans libéraux."

    4) NAÏVETE D'UNE PARTIE DU MONDE OCCIDENTAL

    Je ne résiste pas au plaisir de citer de nouveau Caroline Fourest :

    "Nous [C. Fourest et Fiammetta Venner] avions aussi identifié quels facteurs expliquaient précisément le surcroît de dangerosité de l'intégrisme musulman : non pas la nature de l'islam mais bien le fait que l'islamisme - en tant qu'idéologie politique - puisse séduire plus largement que les deux autres [intégrismes juif et chrétien], immédiatement repérés comme réactionnaires, grâce à un positionnement anti-impérialiste, tiers-mondiste, antisioniste, et surtout grâce à la peur d'apparaître comme "islamophobe", paralysant ceux qui d'ordinaire font justement barrage à l'intégrisme."

    Caroline Fourest, Frère Tariq, Paris, Grasset, 2004, p. 11.

    Voilà qui devrait faire réfléchir "ceux qui d'ordinaire font justement barrage à l'intégrisme" et qui défendent pourtant l'islam[isme] pour les raisons que Fourest énumère avec la sagacité qu'on lui connaît.

    Fourest distingue l'islam de l'islamisme, Taslima Nasreen ne le fait pas, disant que l'islam est en lui-même un extrémisme à combattre.

    En tant que femme, Bangladaise et victime politique, je pense qu'elle sait largement de quoi elle parle, même s'il existe évidemment des musulmans modérés comme en toute religion.

    Seulement un religieux, même modéré, reste soumis à un certain nombre de préceptes sinon de préjugés, et s'avère le plus souvent un ennemi des homosexuels, de l'égalité entre hommes et femmes, et plus encore de l'égalité entre humains et non-humains.

    Je cite Taslima Nasreen :

    "Partout dans le monde, les femmes sont opprimées par les religions, les coutumes, les traditions.

    Mais là où elles souffrent le plus de nos jours, c'est dans les pays islamiques.

    L'Occident a instauré la laïcité, la séparation des Eglises et de l'Etat, alors que dans la plupart des pays musulmans les femmes sont toujours sous le joug de sept cents ans de charia.

    Des millions de femmes endurent de terribles souffrances.

    Elles sont enfermées, brûlées, lapidées à mort...

    Venant d'une famille musulmane, je me sens la responsabilité de dénoncer l'islam, car les femmes qui y sont soumises n'ont ni les droits ni la liberté qu'elles devraient avoir.

    On leur a inculqué depuis des siècles qu'elles étaient des esclaves pour l'homme, qu'elles devaient suivre le système que les hommes ou Dieu ont créé.

    Sous la charia, les femmes sont considérées non pas comme des êtres humains, mais comme des objets sexuels, des êtres de seconde classe.

    Nous n'avons pas besoin de cette loi, il faut la combattre.

    [...]

    Si les fondamentalistes ont voulu me tuer, c'est parce qu'ils veulent vraiment appliquer le vrai islam.

    Ils sont l'islam authentique.

    Les musulmans qui souhaiteraient voir les femmes libérées sont en contradiction avec leur doctrine : Allah ne les aurait pas acceptés."

    L'article est consultable dans son intégralité ici : http://www.lexpress.fr/culture/livre/je-me-sens-la-responsabilite-de-denoncer-l-islam_818721.html

    En tant que libérale, mon devoir est de me prononcer contre tout ce qui aliène l'individu, et je ne me tairai pas sous prétexte que cela signifie dénoncer également d'autres cultures que la mienne (que je ne ménage en rien), d'autres pays que la France (dont je connais les tares) et d'autres religions que le christianisme.

    5) UN MONSTRUEUX PARADOXE

    On assiste, au nom de la political correctness, à un paradoxe des plus monstrueux : les personnes affichant traditionnellement des valeurs humanistes en arrivent à les renier au nom du sacro-saint respect des cultures pour autant qu'elles ne sont pas occidentales.

    Le résultat est que, loin de rallier la lutte émancipatrice d'une Taslima Nasreen ou d'une Chahdortt Djavann (qui conspue avec raison "les intellectuels de salon [occidentaux] complices de la barbarie islamique"), ces personnes la combattent au contraire en prenant la défense de l'idéologie islamique, autrement dit en prenant la défense de ce qui va clairement à l'encontre des droits humains les plus élémentaires.

    Les racistes se servent de l'islam comme pivot de leur haine.

    Cela ne signifie pas que critiquer l'islam fait automatiquement de vous un raciste, lorsque cette critique est motivée par des arguments éthiques.

    Ne pas voir cette différence est le signe d'une insondable crétinerie.

    Pour ma part, je n'ai qu'une seule patrie : celle des hommes et des femmes libres oeuvrant pour un monde pacifique et démocratique qui ne sera plus soumis au principe de la violence.

    Une telle posture m'amène naturellement, légitimement, à dénoncer un certain nombre de réalités qu'une partie de l'Occident (la partie politiquement correcte, bien-pensante et parfois violente ainsi que l'ont démontré mes détracteurs, dont l'un - cela vaut la peine d'être noté - arbore l'aimable pseudonyme de "jihad") se refuse à voir pour tout un nombre de raisons au premier rang desquelles figurent la naïveté, la lâcheté, mais aussi le masochisme : celui d'un Occident qui n'en finit pas d'avoir honte de lui-même, de son histoire, de ses politiques coloniales, de ses prétentions universalistes, et qui, pour s'en punir, n'a de cesse de se diaboliser, de se haïr, au point de méconnaître qu'en face, on ne se montre pas meilleur.

    Méryl Pinque

  • Mythe

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    « L’humanité n’est même plus une légende,

    elle est un mythe. »

    Romain Gary

  • "Souci moral, impulsion morale et argumentation logique dans la défense des droits des animaux" (Gary Francione)

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    Quiconque a fait de la protection animale s’est trouvé en position d’expliquer rationnellement pourquoi l’exploitation des animaux ne peut se justifier sur le plan moral, pour se voir répondre au bout du compte des choses comme : « Oui, c’est intéressant, mais je ne crois vraiment pas qu’il soit mal de consommer des produits d’origine animale », ou : « Votre raisonnement est parfaitement logique, mais il se trouve que j’aime la crème glacée et le fromage et que je continuerai d’en manger. »

    Comment cela peut-il être ? Comment les gens peuvent-ils rejeter des arguments logiques et rationnels ?

    La réponse est simple : la logique et la rationalité sont cruciales dans le cadre d’une analyse morale. Mais elles ne sont pas en mesure de tout nous dire à propos du raisonnement moral. Celui-ci se révèle plus compliqué que les syllogismes logiques. Le raisonnement moral — sur les animaux ou autre — requiert quelque chose de plus que la logique. Ce quelque chose d’autre implique deux notions étroitement liées mais conceptuellement distinctes : le souci moral et l’impulsion morale, qui précèdent notre engagement au niveau rationnel ou logique.

    Pour replacer cela dans le contexte de l’éthique animale : afin d’admettre un argument qui mène à la conclusion que tous les êtres sentients sont des membres à part entière de la communauté morale et que nous devons abolir, et non réglementer, l’exploitation animale, vous devez vous soucier moralement des animaux. Pour ce faire, vous n’avez pas nécessairement à les « aimer ». Mais vous devez admettre qu’au moins certains d’entre eux sont des membres de la communauté morale ; qu’ils sont des personnes morales nonhumaines envers qui nous avons des obligations morales directes.

    Et vous devez vouloir agir, à leur égard, moralement et avec respect ; vous devez avoir une impulsion morale les concernant. Vous devez éprouver vos convictions morales en ce sens que vous voulez faire, pour les animaux, ce qui est juste. Si tel est votre cas, la logique et la rationalité peuvent être utiles pour produire des arguments irréfutables quant au fait que tous les êtres sentients ont un statut moral, et que nulle sorte d’exploitation animale ne peut se justifier moralement.

    Mais si vous ne vous souciez pas moralement des animaux, si vous ne voulez pas bien agir à leur égard, alors tous les arguments du monde ne serviront pas à grand-chose. Si vous estimez ne rien leur devoir, vous ne serez guère intéressés par le fait de savoir envers quels animaux nous avons des obligations morales directes, ou par ce que ces obligations exigent que nous fassions.

    Logique et rationalité : nécessaires mais pas suffisantes

    Dans mon livre Introduction to Animal Rights: Your Child or the Dog?, j’avance un grand nombre d’arguments basés sur la logique et la rationalité. En voici un :

    1. Le fait d’infliger de la souffrance à quelque être sentient que ce soit exige une justification morale suffisante. Or le plaisir, l’amusement ou le confort ne peuvent être considérés comme des justifications suffisantes pour imposer de la souffrance à un être sentient.

    2. La plus « humaine » des agricultures animales implique que l’on inflige des souffrances considérables à des êtres sentients.

    3. D’un point de vue général, nos meilleures (et nos seules) justifications pour consommer des produits d’origine animale sont le plaisir, le divertissement et le confort.

    4. Par conséquent : nous ne pouvons justifier, d’un point de vue moral, la consommation de produits d’origine animale.

    Tout ceci est très logique. Mais une telle argumentation ne conduira nulle part si vous n’admettez pas la première prémisse et ne voulez pas agir conformément à elle. Si vous n’admettez pas que vous êtes tenu de justifier de manière signifiante le mal que vous faites aux animaux, nous ne pouvons même pas commencer à parler avec vous d’éthique animale. La logique et la rationalité peuvent nous aider à prendre conscience que nous devons quelque chose aux personnes morales nonhumaines, mais elles sont inutiles face à quelqu’un qui ne se soucie pas des animaux d’un point de vue moral, et rejette l’idée qu’il faille une justification pour leur causer du tort.

    La science est également impuissante partout où la première prémisse est concernée. Il n’y a aucun moyen de prouver « scientifiquement » que nous avons l’obligation de justifier le mal que nous infligeons à un être sentient. Comme n’importe quel étudiant en philosophie de première année le sait, vous ne pouvez tirer un « devoir-être » d’un « être ».

    Par conséquent, pourquoi devons-nous admettre la première prémisse ?

    J’affirme que ce premier principe est vrai et va de soi : tous les êtres sentients comptent moralement, et avant que je nuise aux intérêts de l’un d’entre eux, je suis tenu de justifier mon action. Lorsque j’utilise le mot « vrai », je l’entends dans le même sens que lorsque je dis de la tasse qui se trouve sur mon bureau qu’elle est rouge. L’affirmation : « La tasse est rouge » énonce une proposition vraie. La tasse sur mon bureau est rouge. De la même façon, l’affirmation : « Nous devons avoir une justification moralement suffisante pour infliger de la souffrance à un être sentient quel qu’il soit » énonce une proposition vraie reflétant notre intuition morale que faire souffrir est mal.

    La proposition énoncée dans l’affirmation : « Et le plaisir, le divertissement ou le confort ne peuvent constituer des justifications suffisantes » (qui pourrait être aussi une prémisse indépendante) est également vraie et va de soi, car si de telles raisons pouvaient constituer des « justifications suffisantes », alors rien ne serait interdit par le principe premier susmentionné. Réfléchissez-y. Si nous disions : « Nous devons avoir une justification suffisante pour nuire à un enfant, mais lui faire du mal sans raison autre que parce que nous le voulons est acceptable », cela rendrait le principe exigeant que l’on justifie le fait de faire du mal vide de sens.

    Si quelqu’un me demandait de prouver la première prémisse à l’aide d’une expérience scientifique ou d’un quelconque moyen qui satisferait un empiriste strict, j’en serais incapable. Mais, et alors ? Cela ne signifie pas que les propositions énoncées dans la première prémisse ne sont pas vraies. Quelqu’un pourrait-il nier la vérité de cette première prémisse ? Bien sûr. Mais cette personne pourrait aussi nier la vérité de la proposition relative à ma tasse rouge. Nous pouvons être sceptiques dès lors qu’on aborde les principes moraux, mais nous pouvons l’être également à propos de n’importe quoi. Qui sait si ma tasse est rouge ? Je suis peut-être victime d’hallucinations. Je peux ne pas exister de la manière dont je pense exister. Je peux n’être rien de plus qu’un cerveau dans un bocal stimulé par des électrodes afin de voir une tasse rouge qui n’existe pas.

    J’estime que dire que la première prémisse est vraie et qu’elle va de soi n’est pas discutable. Je pose comme principe que la plupart des gens, si on leur demandait d’y réfléchir, en conviendraient aussi. A vrai dire, le sujet de Introduction to Animal Rights est que nous affirmons être d’accord avec la première prémisse, mais que nous n’arrivons pas à réfléchir de manière rationnelle à propos de ce qu’elle signifie et implique vraiment. C’est-à-dire que le problème n’est pas que nous ne pouvons prouver rationnellement la première prémisse, mais que bien que nous disions admettre sa vérité morale,  nous n’avons pas l’impulsion morale de vouloir la suivre jusqu’au bout alors même que nous affirmons croire en sa validité (et, comme je l’explique plus bas, c’est à mon sens une autre manière de dire que nous ne sommes pas réellement concernés par les animaux d’un point de vue moral), ou que nous ne réfléchissons pas rationnellement à propos de ce qu’un tel principe exige que nous fassions en termes d’action pratique.

    Simon le Sadique et Michael Vick

    Dans Introduction to Animal Rights, j’ai introduit le personnage de Simon le Sadique, qui prend plaisir à faire exploser des chiens. Nous considérerions tous une telle conduite comme monstrueuse. Le but du personnage de Simon était de montrer que sa conduite enfreint le principe que nous admettons tous : à savoir qu’imposer à un être sentient de la souffrance exige une justification morale suffisante, et que précisément, le plaisir de Simon ne constitue pas une justification morale suffisante. Le reste du livre démontrait que notre acceptation de ce principe moral exige que nous considérions tous les êtres sentients, et pas seulement les chiens, comme des membres de la communauté morale, et que nous devons abolir l’exploitation animale dans son ensemble.

    Plus récemment, j’ai fait les mêmes observations dans le contexte de cas réels de maltraitance animale impliquant par exemple Michael Vick. La réaction des gens à l’annonce de ce que faisait subir Vick à ses chiens fut unanime : tout le monde l’a condamné. Et ces réactions n’étaient pas seulement critiques : les gens étaient moralement indignés par sa conduite. Pourquoi ? La réponse est simple : il avait enfreint un principe moral que la majorité écrasante d’entre nous admet, et que nous regardons comme l’expression d’une vérité morale. Et eu égard à notre acceptation de ce principe, la logique et la rationalité exigent que nous comprenions parallèlement que rien ne distingue les actes d’un Michael Vick de ce que n’importe qui commet en imposant de la souffrance à un être sentient sans raison autre que celle du plaisir, du divertissement ou du confort. Une telle prise de conscience exige que nous devenions végans et que nous travaillions à abolir toutes les formes d’utilisation des animaux.

    Si vous pensez que la première prémisse est vraie concernant les chiens, si vous voulez agir moralement et avec respect envers ces animaux, et attendu qu’aucun de ces deux points ne ressort de la logique ou de la rationalité, le raisonnement analogique peut alors être utilisé pour vous démontrer qu’il n’y a aucune différence moralement pertinente entre d’une part les chiens que vous considérez comme des membres de la communauté morale, et d’autre part tous les autres animaux sentients nonhumains. C’est une question de logique seulement après qu’il y a eu acceptation du fait que les animaux, ou au moins certains d’entre eux, comptent sur le plan moral. Nous pouvons recourir à la logique et à la rationalité pour montrer que les réformes portant sur le bien-être des animaux, et plus généralement tout ce qui exige moins que l’abolition de leur exploitation, ne parviendront pas à nous décharger de nos obligations envers eux eu égard à leur importance morale.

    Mais si nous n’admettons pas préalablement que les animaux ont une importance morale, alors l’argumentation portant sur la question de savoir si nous devons les utiliser, ou comment nous devons les traiter, qu’elle soit basée sur la théorie des droits, l’utilitarisme, l’éthique de la vertu ou quoi que ce soit d’autre, n’aura aucun sens.

    Ainsi que j’en débats dans Introduction to Animal Rights, la notion d’égale valeur inhérente n’est en aucun cas mystérieuse ou métaphysique. C’est au contraire une notion logique relative aux conditions minimales pour l’inscription à la communauté morale, et elle exige que nous accordions aux animaux le droit moral de ne pas être traités comme des choses. C’est une autre manière de dire qu’elle réclame que nous abolissions l’exploitation animale. Mais si nous n’admettons pas en premier lieu que les animaux appartiennent à la communauté morale, ou si nous ne nous soucions pas d’agir moralement à leur égard, alors l’idée qu’ils ont une égale valeur inhérente ne sera pas d’une grande utilité.

    Nous rejetons tous l’esclavage des êtres humains parce que nous reconnaissons qu’il place ceux qui sont asservis entièrement hors de la communauté morale ; l’esclavage les réduit à des choses. Etant donné que notre sens moral inné nous dicte que tous les êtres humains doivent être inclus dans la communauté morale, qu’ils doivent être considérés comme des personnes morales et non comme des choses, alors, de tous les devoirs que l’acceptation de ce principe nous impose, c’est celui de l’abolition de l’esclavage qui prévaut. De la même façon, si nous estimons que les animaux ont une valeur morale, alors, de tous les devoirs que l’acceptation de ce principe nous impose, c’est celui de l’abolition de leur statut de propriété, de chose, qui prévaut, ce qui suppose de les traiter comme les personnes morales qu’ils sont. Et ceci implique que nous arrêtions de les consommer. Un point, c’est tout.

    Mais si nous estimons qu’aucun animal n’a de de valeur morale — et c’est une question qui ne peut être « prouvée » de manière « objective » ou « scientifique » —, alors l’argumentation logique portant sur le fait qu’ils doivent être considérés comme des personnes morales et qu’ils possèdent le statut d’individu sera dépourvue de sens.

    Quelle est la source du souci moral ?

    Que faire si votre interlocuteur n’accepte pas la première prémisse ? Que faire s’il ne considère simplement pas les animaux comme des membres de la communauté morale ? Pouvez-vous prouver qu’il a tort ? Bien sûr que non.

    Changer de conduite morale requiert des composantes affectives. Afin d’être ouvert à l’analyse logique de la question animale, vous devez considérer les animaux comme des membres de la communauté morale, et vouloir agir selon cet éclairage. Ce n’est pas une question de logique ni de rationalité. Vous devez sentir que ce que Simon le Sadique fait aux chiens est mal ; que ce que Michael Vick a fait aux siens est mal.

    Une façon similaire de penser le souci moral est proposée par le Professeur Gary Steiner, qui débat du concept de parenté (kinship) avec les non-humains dans son livre Animals and the Moral Community: Mental Life, Moral Status, and Kinship. Steiner affirme que nous avons besoin du concept de parenté, autrement dit d’éprouver la connexion existant entre les humains et les non-humains, comme prélude à une réflexion sérieuse sur l’éthique animale.

    Je suis d’accord avec Steiner en ce que je pense que la plupart d’entre nous ont une prédisposition au sentiment de parenté (kinship) avec les animaux. Ce sentiment a simplement besoin d’être éveillé ; nous devons en prendre conscience. Cette conscience nous permet de percevoir la vérité de la première prémisse, et peut advenir grâce à beaucoup de choses, isolées ou combinées à d’autres :

    Elle peut naître de nos relations avec un compagnon animal.

    Elle peut naître d’une perception de l’interconnexion de la vie, ou de quelque norme comme la « Règle d’or ». Une telle vision du monde peut avoir une dimension spirituelle ou non spirituelle.

    Elle peut naître de l’adhésion au principe de non-violence vu comme vérité morale fondamentale. Là encore, une telle vision du monde peut avoir une dimension spirituelle ou non spirituelle.

    Elle peut naître d’une perspective religieuse, telle que la possédait saint François d’Assise.

    Elle peut naître de la visite d’un abattoir.

    Elle peut naître de la littérature ou de la poésie.

    Elle peut naître d’une expérience esthétique.

    Bref, plusieurs occasions s’offrent à nous de prendre conscience de notre souci moral. Mais que nous appelions cela « souci moral » ou « sens de la parenté » (kinship), il est essentiel de comprendre que cela inclut forcément, de notre part, l’impulsion de vouloir suivre ce principe jusqu’au bout, d’agir de manière à reconnaître et respecter la valeur morale des animaux, à « matérialiser » par nos actes notre parenté avec eux.
     
    Une fois que nous sommes en possession de ce souci moral ou de ce sens de la parenté qui englobent l’impulsion et le besoin d’agir justement envers les animaux, alors recourir à la logique et la rationalité pour arriver à certaines conclusions concernant qui doit appartenir à la classe des personnes nonhumaines (tous les êtres sentients selon moi) et dire ce que leur statut d’êtres moraux requiert de nous (l’abolition de leur exploitation selon moi), a un sens. Tant que nous n’éprouvons pas, à leur égard, ce souci moral, tant que nous n’avons pas l’impulsion de vouloir agir envers eux conformément au statut moral qui est le leur, la logique et la rationalité resteront lettre morte.

    Défense abolitionniste

    Si votre interlocuteur admet la première prémisse (et rappelez-vous que, dans cet article, j’évoque seulement un argument parmi les nombreux autres que j’avance dans mon travail), alors nous pouvons discuter avec lui de manière logique et rationnelle afin qu’il cesse de manger, porter ou consommer les produits d’origine animale et devienne végan. Qu’il soutienne l’abolition, et non la réglementation, de l’exploitation des animaux.

    Mais lorsque nous nous engageons dans ce genre d’activité éducative, nous n’usons généralement pas d’arguments logiques et rationnels pour convaincre quelqu’un de la vérité de la première prémisse ; nous y recourons pour amener cette personne à voir que son souci moral des animaux, correctement compris, exige d’elle qu’elle parvienne à certaines conclusions (le véganisme et l’abolition) plutôt qu’à d’autres (consommation « compassionnelle » de produits animaux, produits animaux « heureux », réformes de bien-être, différence entre viande et produits laitiers, entre les vaches et les poissons, etc.).

    Est-il possible que quelqu’un vous dise : « Je me soucie des animaux et je suis d’accord avec votre analyse logique, mais j’aime tellement le goût des produits d’origine animale que je ne vais pas arrêter d’en manger » ? Bien sûr que c’est possible. Mais ce genre de situation n’est généralement pas de celles qui sous-entendraient un échec de l’analyse logique ou rationnelle. Elle est plutôt le signe que la personne qui formule de telles déclarations ne pense pas vraiment que les animaux ont une importance morale, en dépit de ce qu’elle prétend par ailleurs. Il s’agit, de sa part, d’un manque de souci moral des animaux.

    Par exemple, il y a des gens qui fétichisent les chiens ou les chats. Ils ne pensent pas vraiment à ces animaux comme à des membres de la communauté morale, mais éprouvent plutôt à leur endroit une sorte de réaction esthétique, ou possiblement encore une réaction de type obsessionnel, qui ne diffère en rien du genre de réactions que d’autres éprouvent envers les voitures, les vêtements ou d’autres objets. Nous avons tous croisé des excentriques obsédés par les chiens ou les chats, possédant une maison pleine de chiens ou de chats, mais mangeant par ailleurs toutes sortes d’autres animaux, et destinées à ne jamais s’engager sur la voie de l’éthique animale. Se soucier des animaux d’un point de vue moral, ce n’est pas les « aimer », ni les trouver « mignons ». C’est une question de vision morale ; c’est les considérer comme des êtres doués d’importance morale, et se soucier d’eux conformément à cet éclairage.

    Nous pourrions dire encore que de telles personnes éprouvent un souci moral mais un manque d’impulsion morale. Mais d’après moi, éprouver un réel souci moral des animaux, c’est posséder l’impulsion morale d’agir justement envers eux. Le meilleur guide pour savoir ce qu’une personne croit moralement est de voir comment elle agit. Par conséquent, bien que j’estime que le souci moral et l’impulsion morale puissent être séparés à des fins explicatives, je considère le souci moral sans l’impulsion morale comme représentant une réelle absence de souci moral.

    Il se rencontre, bien sûr, des gens pour penser que certains animaux ont une valeur morale, mais qui n’admettent pas l’argument analogique selon lequel tous les êtres sentients sont des membres à part entière de la communauté morale.

    Par exemple, certains défenseurs des animaux, à l’instar de Peter Singer, considèrent que tous les êtres sentients sont des membres de la communauté morale, mais que seuls ceux qui possèdent une cognition de type humain, et en particulier un type humain de conscience de soi, en sont des membres à part entière. Singer rejette mon argument selon lequel tous les êtres sentients sont situés au même niveau en ce que tous tiennent à poursuivre leur propre existence, même s’ils ne pensent pas l’existence de la même manière que les humains « normaux ».

    Vous pouvez également tomber sur quelqu’un qui reconnaît que les animaux ont une valeur morale, mais rejette l’argument selon lequel l’abolition est la seule réponse rationnelle à la reconnaissance du fait qu’ils comptent moralement.

    Pratiquement l’ensemble du « mouvement » animaliste, tel qu’il est représenté par les grosses organisations néowelfaristes, n’est pas d’accord avec moi relativement aux problèmes structuraux posés par les réformes de bien-être animal et à la nécessité, pour le mouvement, d’adopter une base morale végane abolitionniste. Tous ces gens affirment que les réformes de bien-être sont en mesure d’améliorer dès maintenant la situation des animaux, et qu’elles auront des conséquences positives dans l’avenir. Je ne suis pas d’accord.

    On rencontre d’autres situations où les gens disent considérer les animaux comme des membres de la communauté morale, tout en affirmant que nous devons appliquer une grille d’analyse des obligations morales que nous leurs devons différente de celle que nous utilisons avec les êtres humains.

    Par exemple, certains ont posé que nous ne devrions pas parler de droits moraux ou de règles applicables, et qu’à la place nous devions nous laisser guider par une « éthique du care » tenant compte de toutes les particularités d’une situation. Mais ces personnes n’appliqueraient jamais une telle éthique dans les situations fondamentales où des humains seraient impliqués. Par exemple, aucun partisan de l’éthique du care ne soutiendrait que la moralité d’un viol dépend de la manière « responsable » dont il a été perpétré dans une situation particulière. Le viol est toujours mal parce qu’il profane le droit à l’intégrité physique. De la même façon, nous devons recourir à une analyse similaire partout où les intérêts fondamentaux des animaux sont en jeu. Nous ne pouvons en aucun cas prétendre que le « care » suffit, ou que nous ignorons un aspect essentiel de l’analyse morale : à savoir la nécessité de traiter des cas identiques de manière identique.

    Dans ces trois cas, nous devons nous concentrer sur ce que la logique et la rationalité nous disent, étant donné que nous sommes tous d’accord pour dire que les animaux comptent moralement et que nous voulons faire, à leur égard, ce qui est juste ; nous voulons savoir quelles sont nos obligations morales envers eux. La logique et la rationalité constituent une part importante du processus d’identification des obligations morales précisément parce que nous considérons les animaux comme des membres de la communauté morale et que nous avons l’impulsion morale de faire, vis-à-vis d’eux, ce qui est juste.

    Mais le point important de tout cela, c’est que la source de notre souci moral ou de notre impulsion morale n’a pas d’importance.

    Si une personne se soucie des animaux en tant qu’êtres moraux, il importe peu que son impulsion morale ait été déclenchée par la relation qu’elle a tissée avec un compagnon animal, par la lecture de la vie de saint François d’Assise, d’un roman comme Black Beauty ou d’un poème comme Inscription on the Monument of a Newfoundland Dog de Byron, ou par sa croyance au principe de non-violence, à la Règle d’or ou à l’interconnexion de la vie, ou encore par sa révulsion esthétique devant la brutalité.

    Ce qui importe, c’est qu’elle ait ce souci moral des animaux, et le désir de vouloir agir conformément à ce souci ; qu’elle ait conscience de la vérité morale de la première prémisse en ce qui concerne au moins certains animaux ; qu’elle admette comme vérité morale qu’au moins certains animaux sont des membres de la communauté morale, et qu’ils comptent moralement ; qu’elle perçoive la nécessité d’agir en accord avec le souci qui est le sien. C’est alors, et seulement alors — quand elle veut faire ce qui est juste à l’égard des animaux dont elle pense qu’ils comptent moralement —, que nous pouvons, avec elle, recourir à la logique et à la rationalité pour lui démontrer que son souci moral doit être étendu à tous les animaux, et qu’un tel souci exige d’abolir (et non de réglementer) leur utilisation. Qu’un tel souci exige qu’elle arrête de participer à l’exploitation animale. Elle peut ne pas admettre, ou ne pas admettre immédiatement, les arguments en faveur de l’égalité, de l’abolition et du véganisme, mais elle ne les comprendra même pas si elle n’a pas, préalablement, ce souci moral des animaux.

    L’idée que le souci moral d’une personne, son sens de la parenté (kinship), ne peut résulter de ses opinions religieuses ou spirituelles est aussi stupide que prétendre qu’il ne peut résulter de la relation qu’elle a tissée avec un compagnon animal sans l’influence de la religion ou d’une tradition spirituelle. Les traditions religieuses et spirituelles sont un problème à cet égard seulement lorsqu’elles limitent le souci moral et déprécient la classe de ceux dont nous nous soucions moralement ; lorsqu’elles restreignent le sens de la parenté ; lorsqu’elles encouragent la violence plutôt que la non-violence. Et ne faisons pas semblant d’ignorer que les structures laïques peuvent, de la même manière, limiter le souci moral. Le fait est qu’elles le font, et qu’elles sont, de ce point de vue, tout aussi inacceptables.

    Il m’est franchement égal qu’une personne considère les non-humains comme des membres de la communauté morale par suite de ses opinions religieuses, spirituelles, athées, agnostiques ou de quelque autre nature que ce soit.

    Il m’est égal que la source de son souci moral des animaux soit la lecture du Sermon sur la Montagne et de sa conviction que Jésus faisait référence à tous les êtres, de la poésie byronienne (Byron était athée) ou (comme c’est mon cas) de la visite d’un abattoir qui l’a amenée à comprendre au niveau le plus fondamental que le principe de non-violence est dénué de sens s’il ne s’applique pas à tous les êtres sentients.

    Tant qu’il y a, chez une personne, le souci moral et l’impulsion morale de vouloir faire ce qui est juste envers les animaux, nous pouvons raisonner avec elle sur ce qui fait que l’abolition et le véganisme sont les réponses logiquement adéquates à la reconnaissance (quel que soit ce qui l’a provoquée) de ce que les animaux sont des membres de la communauté morale.
    Mais en l’absence de cette volonté de faire ce qui est juste, toute discussion à propos de ce que la logique établit comme étant ces choses justes à faire restera lettre morte.


    Gary L. Francione
    Professeur, Rutgers University
    ©2012 Gary L. Francione


    Traduction : Méryl Pinque