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Société - Page 94

  • Obama for America

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  • Surpopulation et environnement : pourquoi je ne veux pas faire d'enfant

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    La surpopulation mondiale et l’agrocarburant faminogène (1)

    par Guillaume

    Les défis auxquels l’homme devra faire face en ce 21e siècle menacent la survie même de l’espèce humaine.

    Rien que leur énumération donne la chair de poule : le réchauffement climatique, la désertification (2), la pollution de l’air, de la terre et de l’eau, la pénurie d’eau potable, la surpopulation, la disparition du pétrole en 2040, le gaz et l’uranium en 2050, la pénurie de matières premières, les guerres religieuses et le terrorisme religieux au nom de Dieu, d’Allah, de Mahomet, de Jésus et tous les autres gourous qui rendent les gens « fous ».

    L’énumération de ces diverses catastrophes qui menacent la planète entière, qu’elles soient naturelles ou provoquées par l’homme, nous fait penser que la deuxième moitié du 21e siècle risque d’être apocalyptique.

    On aurait dû pratiquer le « malthusianisme » (3) depuis au moins cinquante ans, pour éviter la surpopulation, cause « principale » des catastrophes actuelles, afin de sauvegarder assez de matières premières et d’énergies non renouvelables pour les générations futures.

    Mais comment faire une politique démographique restrictive avec les curés, les imams, les rabbins, etc., tous opposés à la contraception, préférant que les enfants meurent de faim, plutôt que d’empêcher leur naissance ?

    Le 3e Congrès du WWF admettait déjà en 1973 que l’explosion démographique était la cause principale de la crise de l’environnement et affirmait sa conviction que tous les gouvernements avaient le devoir d’envisager les mesures à prendre sur le plan mondial pour stabiliser et finalement ramener la population humaine à un niveau adapté à la capacité de charge des terres et des océans.

    Ces mesures devaient être prises de toute urgence, non seulement en vue d’assurer la conservation des ressources naturelles, mais également pour permettre à l’humanité de jouir d’une qualité optimale de vie (4). Rien de cela ne s’est réalisé.

    Chaque jour il y a environ 400.000 personnes en plus sur la terre et la population actuelle de 6,5 milliards d’êtres humains s’accroît chaque année de plus de 80 millions de personnes (5).

    À ce rythme, on estime qu’en 2050 il y aura 4 milliards d’êtres humains en plus.

    La population de l’Inde a dépassé le milliard d’habitants et s’accroît chaque année de 19 millions de personnes.

    En un an l’Inde s’accroît de plus d’habitants que la population totale des Pays-Bas, pays surpeuplé de presque 17 millions d’habitants.

    La France elle-même fait une politique de natalité. C’est une politique dangereuse et irresponsable.

    Le chanoine Sarkozy s’est vanté de l’accroissement démographique en France dans son interview à France 3 le 21.4.2008.

    Est-ce que la France avec une population de 64.473.140 personnes (1.1.2008-Wikipedia) n’a pas assez d’habitants ?

    Le président de tous les croyants catholiques, Sarkozy, veut-il que la France devienne « Hong Kong » et que les bidonvilles s’agrandissent ?

    L’Égypte, dont le territoire est à 94 % désertique, compte 78.887.007 d’habitants.

    En 2050 ils seront 120 millions.

    Un enfant y naît toutes les 23,5 secondes (évaluation de 1995).

    Comment trouver une solution à ce fléau démographique, dans un pays si pauvre, miné par l’islam, qui empêche l’émancipation de la femme égyptienne ?

    Cette émancipation est la condition sine qua non à tout progrès culturel, social et économique ou à toute politique restrictive en matière démographique dans cette république pauvre et surpeuplée.

    Si l’on ne veut pas comprendre que la population au lieu d’augmenter doit diminuer, il n’y a aucun espoir de voir la situation dans le monde s’améliorer. Comment l’Inde pourrait - elle trouver le nécessaire pour entretenir chaque année 19 millions de personnes en plus ?

    Chaque année les terres cultivables se rétrécissent tandis que la population augmente. L’Inde, contrairement à la Chine, n’a aucune politique de planning familial pour la population, malgré sa situation démographique désastreuse.

    Le Cirad (6) estime que 40 % ou 5, 2 milliards d’hectares sur 13 milliards de terres émergées sont menacées par la désertification (7).

    La Chine avec sa population de 1,3 milliard d’habitants a perdu 2,6 millions de km2 de terres désertifiées, soit 27,3 % de la superficie totale de son territoire (8).

    On considère qu’en 2040 il n’y aura plus de pétrole alors qu’il intervient dans la fabrication de quelques centaines de produits indispensables. Beaucoup de ces produits disparaîtront.

    En 2050, il n’y aura plus de gaz ni d’uranium (énergie nucléaire). Les pénuries se feront sentir évidemment bien plus tôt et la guerre pour l’énergie s’amplifiera.

    On a cru que la biomasse allait remplacer le pétrole et le gaz, après la première crise pétrolière en 1973.

    Les écolos voyaient d’un bon œil ces énergies dites renouvelables appelées agroénergie, agrocarburants, biocarburants, bioéthanol, biodiesel, biogaz, biométhane, etc. fabriqués avec de la nourriture humaine ou animale (palmier à huile, betterave, colza, soja, tournesol, canne à sucre, orge, maïs, seigle, riz, etc.).

    Il n’a pas fallu longtemps pour constater que les agrocarburants ne sont pas du tout la solution à nos problèmes énergétiques futurs, ni à nos problèmes de pollution ou de CO2.

    La Fédération Internationale des Amis de la Terre (groupe du Sud) déclare que les « agrocarburants sont une catastrophe écologique et sociale » (9).

    L’Europe a décidé de continuer sa politique en matière de biomasse édictée par la directive 2003/30/EC, malgré les signes alarmants de famine dans le monde.

    La flambée des prix des denrées alimentaires a créé des émeutes violentes en Égypte, en Indonésie, en Mauritanie, au Cameroun, etc.

    On ne peut détourner la nourriture humaine et animale, à l’usage de biocarburants, sans une flambée des prix dans le secteur alimentaire et sans augmenter la famine dans le monde.

    Ce que le moteur consomme n’est plus disponible pour l’homme ou l’animal. Actuellement, des millions d’hectares de terrains agricoles sont déjà confisqués pour alimenter les usines d’éthanol.

    En Chine, il faut 2.400 litres d’eau et en Inde 3500 litres d’eau pour produire un litre d’éthanol à partir du maïs, alors que la moitié des habitants sur Terre seront probablement sans eau dans environ 30 ans.

    La famine augmentera rapidement à cause de tous les facteurs néfastes qui se conjuguent :

    1° la désertification continue chaque jour (moins de terres cultivables et moins de forêts) ;

    2° l’utilisation scandaleuse des terres agricoles pour les agrocarburants ;

    3° l’augmentation dramatique de la population humaine ;

    Les climatologues et autres savants organisent régulièrement des « colloques internationaux ».

    Ce qui est le plus frappant, c’est que ces savants laissent complètement de côté le problème essentiel, cause principale de la destruction de la nature, de la surchauffe climatique, de la disparition des forêts, etc., à savoir : la démographie galopante, la surpopulation.

    Non seulement ils devraient pousser un cri d’alarme et inviter toutes les nations à faire du planning familial à l’échelle mondiale pour enrayer l’accroissement démographique catastrophique, mais aussi exhorter les politiciens à prendre des mesures tendant à réduire la population mondiale au lieu de la laisser augmenter de façon criminelle (nouveau-nés qui meurent de faim).

    On sait combien certains milieux essaient de minimiser le problème de la surpopulation qui détruit notre écosystème et donc notre planète. Il faut croire que l’on ne peut pas aborder la vraie cause de l’apocalypse qui s’annonce et à l’ONU la « croyance » l’emporte sur la « science ».

    Seule une diminution draconienne de la population mondiale permettra de récréer des espaces naturels, pouvant servir à l’agriculture, au reboisement, etc.

    Il ne sert à rien de parler de notre environnement si l’on accepte encore des milliards d’êtres humains en plus. Les écolos ne parlent jamais du problème de la surpopulation, cela semble tabou.

    On dit qu’on doit moins polluer, moins consommer, moins se chauffer et porter un gros pull, isoler son toit, faire moins de kilomètres en voiture, mais à quoi tout cela sert-il s’il y a chaque année 80 millions d’habitants en plus pour augmenter la consommation et la pollution ?

    Les religions ont une attitude criminelle dans le problème de la surpopulation mondiale.

    Comment arrêter la famine, alors que la population augmente, que les terres cultivables se désertifient de plus en plus, que des millions d’hectares de terres destinées à l’alimentation humaine, sont utilisées à des fins industrielles pour la production d’éthanol ?

    Mais que faire s’il faut renoncer à l’agrocarburant ?

    Guillaume


    1. Néologisme que j’ai formé par « famine » et le grec « gennan » (engendrer).

    2. Selon la Convention des Nations Unies, le terme « désertification » désigne la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines.

    3. Le malthusianisme est une politique prônant la restriction démographique, inspirée par Thomas Malthus.

    4. 5.10.1973- 3e Congrès international du World Wildfife Fund (WWF) sur le thème « Toute vie sur Terre. » Voir ici.

    5. Voir ici

    6. Centre de Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. (Wikipedia)

    7. Selon la Convention des Nations Unies le terme « désertification » désigne la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines.

    8. Voir ici

    9. Voir ici

    Publié dans Changements climatiques, Dimensions sociales, Désertification, gestion / maîtrise de l'eau

    http://www.fairelejour.org/article.php3?id_article=1727

  • Lotissements, pavillons, maisons à 15 E, chalendonnettes... : halte au mitage de la nature

    http://sanssat.net/images/batiments/lotissement.jpg

    Faisons de la Ville Durable et non du mitage pavillonnaire !

    Contre le réchauffement climatique, une réflexion sur la forme urbaine est indispensable, car elle conditionne largement la vie sociale, culturelle et économique, ainsi que les déplacements quotidiens.

    Au récent Grenelle de l’environnement, il a été question du "bâtiment" économe en énergie, mais pas de la forme urbaine.

    Pourtant, peut-on raisonnablement évaluer la qualité environnementale d’un bâtiment sans le placer dans un contexte urbain précis, puisque de ce contexte urbain vont dépendre les déplacements quotidiens générateurs de pollution atmosphérique et d’imperméabilisation des sols (goudronnage des routes..) ?

    La "maison à 100 000 euros" promue par Jean-Louis Borloo n’a pas vu le jour (voir le Monde du 16 novembre 2007, page 15). Le Ministre avait sous-estimé le problème du terrain.

    Christine Boutin, la Ministre du logement, (même article du Monde) voit dans la production de pavillons à ossature bois "à 120 000 euros" une solution pour produire 500 000 logements par an !

    On nous propose donc de pérenniser, de généraliser l’étalement urbain à la totalité du territoire, ce qui rendra la population entièrement dépendante de la voiture particulière, avec des conséquences catastrophiques en matière de pollution, mais aussi d’acculturation et de rupture du lien social (des habitants isolés dans leur pavillon "à plusieurs couches d’isolant", rivés à leur poste de télévision après des heures d’embouteillages sur les bretelles d’autoroutes !)

    L’alternative à cette situation catastrophique se situe dans une forme urbaine dense et mixte (socialement et fonctionnellement mixte) dans laquelle la nature aura sa place (jardins urbains, arbres d’alignement, terrasses et toitures végétalisées...), mais aussi la convivialité, la Ville étant lieu de culture, de rencontre et d’échange.

    Au lieu de disséminer des pavillons sur tout le territoire, créons de nouveaux quartiers de Ville dense, ou la qualité de vie soit comparable à celle dont jouissent les habitants de l’Ile Saint Louis à Paris ou du West-Village à New-York.

    Il est possible de concevoir des logements bioclimatiques en milieu urbain dense. C’est le sujet d’une communication par Msika aux Rencontres et Journées Techniques de l’Ademe, en 1993, recherche ayant conduit depuis à l’établissement de projets urbains pour différents sites en France et à l’étranger.

    La voiture électrique, à faible autonomie, c’est l’accumulation des déchets nucléaires ingérables et donc une mauvaise solution pour lutter contre le réchauffement climatique.

    Seule la Ville dense, mixte, verte, attrayante, lieu de culture et d’échange pourra faire reculer le tout- automobile dévastateur pour l’environnement.

    Jean-Loup Msika, architecte-urbaniste

    http://www.naturavox.fr/Faisons-de-la-Ville-Durable-et-non-du-mitage-pavillonnaire.html

  • Une autre terrible proposition californienne (Gary Francione)

    http://www.theonion.com/content/files/images/onion_news3064.jpg

    Chères collègues et chers collègues,

    Il semble que la Proposition 2 ne soit pas la seule mesure réactionnaire qui sera soumise au vote des Californiens le mois prochain.

    La Proposition 8, qui éliminera le droit des couples homosexuels de se marier, sera également soumise au scrutin.

    En mai 2008, la Cour Suprême de la Californie a jugé que limiter le mariage à la relation entre un homme et une femme viole la clause de l’égale protection contenue dans la Constitution californienne et que cette même Constitution garantit aux personnes de même sexe le droit de se marier.

    La Proposition 8 demande aux électeurs de la Californie de refuser l’égale protection aux gais et lesbiennes de la Californie en dépit de la décision de la Cour.

    La Proposition 8 n’est rien d’autre qu’un exemple patent d’hétérosexisme.

    Nous vivons dans une société imprégnée par le racisme, le sexisme, l’hétérosexisme et le spécisme.

    Ces attitudes ont toutes en commun d’exclure certains groupes de la communauté morale sur la base de critères non pertinents (race, sexe, orientation sexuelle, espèce).

    Si nous souhaitons arriver un jour à progresser en tant que civilisation, il faudra rejeter toutes ces formes de discrimination.

    Toute discrimination est une forme de violence.

    Je souhaite assurément que les électeurs californiens s’opposent à cette regrettable tentative visant à nier la dignité et le respect des gais et lesbiennes

    Gary L. Francione

    http://www.abolitionistapproach.com/fr/2008/10/12/une-autre-terrible-proposition-californienne/

  • "Le féminisme pour les nuls" (Caroline Fourest)

    http://img.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L350xH357/Caroline-fourest-46221.jpg

    Une douce OPA s’opère sur le Mouvement de libération des femmes.

    La semaine dernière, Le Parisien et Ouest-France annonçaient « les quarante ans du MLF »… Avec deux ans d’avance.

    Stupeur chez les féministes.

    Seraient-elles guettées par la maladie d’Alzheimer ?

    Serions-nous déjà en 2010 ?

    De l’avis des historiennes comme des militantes, les « années mouvement » remontent à 1970.

    Des féministes étaient bien à l’oeuvre parmi les activistes de Mai-68, mais leurs préoccupations n’étaient la priorité du mois de mai, surtout pas celles de leurs camarades garçons.

    Il faut attendre 1970 pour assister à un mouvement revendiquant la libération des femmes à travers une série de temps forts collectifs : réunion à la faculté de Vincennes, dépôt de gerbe à la femme du « soldat inconnu » et numéro de la revue de Partisan proclamant « Féminisme : année zéro ».

    Mais alors pourquoi cette précipitation et pourquoi certains médias datent subitement l’acte fondateur du MLF un 1er octobre 1968 ?

    Cette date ne correspond à rien… si ce n’est à l’anniversaire d’Antoinette Fouque.

    Aussi comique que cela puisse paraître, cette ancienne députée européenne, fondatrice des Editions des femmes, croit se souvenir avoir abordé la question avec deux amies le jour de son anniversaire en 1968…

    Ce qui en ferait l’une des « fondatrices » du MLF.

    Son service de presse ne ménage pas ses efforts pour le faire savoir.

    Ouest-France l’annonce donc :

    « Il y a quarante ans, Antoinette Fouque créait le MLF. »

    L’époque est décidément propice aux impostures.

    Et pas seulement sur Internet.

    Le seul fait que ce canular médiatique fonctionne en dit long sur la méconnaissance, voire le mépris envers l’histoire du féminisme, jugée secondaire.

    Rappelons cette vérité simple : personne n’a fondé le Mouvement de libération des femmes.

    On ne décrète pas un mouvement social, surtout composé d’une telle multitude de courants et de groupes.

    Antoinette Fouque et son courant n’étaient qu’une composante parmi d’autres de ces « années mouvement » (cf. le livre de référence de Françoise Picq).

    Psychanalyse et Politique, c’était son nom, réunissait surtout des admiratrices, grâce à un mélange particulier de psychanalyse et de politique d’inspiration maoïste.

    Le « culte de la personnalité » tenait parfois lieu de pensée, sur un mode que plusieurs féministes ont décrit comme « sectaire » dans un livre : Chronique d’une imposture.

    Sur le plan des idées, Antoinette Fouque n’a cessé d’attaquer les « positions féministes-universalistes, égalisatrices, assimilatrices, normalisatrices » de Simone de Beauvoir.

    Elle serait plutôt du genre à exalter le droit à la différence et la supériorité de la physiologie féminine, dite « matricielle », sur un mode essentialiste quasi druidique.

    Dans ses textes, elle revendique la « chair vivante, parlante et intelligente des femmes ».

    Le fait que les femmes aient un utérus – présenté comme le « premier lieu d’accueil de l’étranger » – expliquerait leur « personnalité xénophile ».

    Comme si toutes les femmes étaient par nature incapables d’être nationalistes ou xénophobes.

    Même sainte Sarah Palin ?

    Des observateurs saluent sa féminité et son « style non phallique ».

    Pourtant, ce « pitbull avec du rouge à lèvres », comme elle aime à se présenter, tire au fusil sur l’ours blanc d’Alaska et rêve de finir le job en Irak.

    Le féminisme caricatural a toujours eu beaucoup de succès auprès des non-féministes.

    Loin de déconstruire les fondements naturaliste et différentialiste à l’origine de la domination masculine, ce féminisme essentialiste emprunte ses codes et se contente d’inverser les rôles.

    Pas question d’égalité ni de déconstruire le mythe social associé à la différence des sexes.

    Il suffit de remplacer le « sexe fort » par le « sexe faible », le patriarcat par le « matriarcat », et le tour est joué.

    Le grand public applaudit.

    Toute féministe un tant soit peu universaliste, égalitaire ou juste sensée, aurait plutôt envie de pleurer.

    Elles ont d’autant plus de mal à digérer l’OPA d’Antoinette Fouque sur le MLF qu’il ne s’agit pas d’une première tentative.

    En 1979, alors que cette grande prêtresse de la féminitude a jadis refusé de se dire féministe – un affreux concept « égalisateur » -, la voilà qui dépose le sigle « MLF-Mouvement de libération des femmes » à l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle, pour pouvoir l’exploiter sur un mode commercial !

    Depuis, ses admiratrices sont la risée des cercles féministes.

    Mais la mémoire ne vaut que si elle se transmet.

    Or, dans ce domaine, Antoinette Fouque dispose de moyens financiers non négligeables.

    Grâce à cette aptitude commerciale, sa maison d’édition a permis d’éditer des centaines d’auteures qui ont contribué à l’histoire des idées, parfois dans un sens féministe.

    Cela ne fait en rien d’Antoinette Fouque la fondatrice du MLF.

    Que penserions-nous si une poignée d’amis décidaient de se proclamer « fondateurs » de Mai-68 parce qu’ils avaient rêvé de barricades deux ans plus tôt ?

    Une telle imposture ne passerait jamais.

    Tandis que le refus de cette OPA grotesque soulève quelques commentaires amusés, visant à réduire ce débat à une « querelle de filles ».

    Un peu comme si le débat entre droit à la différence et droit à l’indifférence au sein de l’antiracisme était une querelle de « Blacks » ou de « Rebeux » !

    Un tel mépris en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir.

    Le féminisme n’est pas une histoire de « filles », mais l’histoire d’un humanisme révolutionnaire qui a bouleversé le monde, comme peu d’idéaux peuvent se vanter de l’avoir fait.

    Cela mérite que l’on prenne au sérieux son histoire.

    Caroline Fourest

    Article paru dans l’édition du Monde du 10.10.08.http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/10/09/le-feminisme-pour-les-nuls-par-caroline-fourest_1105039_3232.html

    Le Monde du vendredi 10 octobre 2008

  • "Breezy" (1975) : le chef-d'oeuvre méconnu d'Eastwood, et peut-être bien le plus joli film du monde

    L'histoire

    Frank Harmon, quinquagénaire établi, dirige une agence immobilière prospère au coeur de Los Angeles.

    Suite à des échecs amoureux successifs, dont un divorce chaotique, il se contente d'aventures brèves avec des femmes de son milieu jusqu'au jour où il prend en stop une jeune fille de 17 ans, Breezy.

    D'abord indifférent, il se laisse peu à peu séduire par la grâce adolescente et la malice de cette jeune « hippie », véritable tourbillon d'énergie qui va insuffler un vent de liberté sur ses habitudes de vie.

    Mais l'idylle naissante, qui se voudrait coupée du monde, ne tarde pas à rencontrer les préjugés de leur entourage.

    Analyse du film

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    Une image d'abord. Une jeune fille, parfaite représentation de la génération « flower power », guitare à l'épaule, chapeau de cow-boy sur la tête et pantalon pattes d'eph', fait du stop sur une route de Californie.

    Bercé par la douce et belle mélodie de Michel Legrand, un souffle léger et harmonieux traverse ce générique inaugural. Son nom : Breezy.

    Quelques plans ont suffi, le cinéaste vient d'inventer son héroïne.

    Cette image là, seule une poignée de spectateurs français a pu la découvrir en mars 1975 dans l'unique salle parisienne qui projeta le film lors de sa sortie.

    Le distributeur hexagonal ne prit même pas la peine d'éditer la moindre affiche pour le promouvoir.

    Deux ans plus tôt, l'exploitation aux Etats-Unis fut tout aussi calamiteuse, Universal, sans doute trop frileux, ayant décidé de ne pas soutenir pleinement cette production.

    Tourné en 1973, aux prémices d'une carrière qui continue de nous surprendre par son audace et sa longévité, Breezy marque un virage pour le moins brutal pour Clint Eastwood alors cantonné aux films de genre cruels et violents.

    En signant cette chronique intimiste à la mélancolie inédite, il délaisse en effet un univers qui a incontestablement fait de lui une icône précoce du cinéma américain mais dont la puissance d'évocation a aussi contribué à forger une image biaisée mais tenace de son coté franc-tireur.

    Co-produit via sa société Malpaso, Breezy est son troisième film.

    Après un thriller criminel intense (Un frisson dans la nuit) et un western fantomatique aux saillies baroques (L'Homme des hautes plaines), Eastwood, artiste aux multiples facettes, s'effaçait pour la première fois devant l'objectif pour revêtir uniquement l'habit de metteur en scène et prenait par conséquent le contre-pied d'une carrière basée essentiellement sur son aura d'acteur.

    Cette décision peut être considérée comme le fruit d'un hasard car seul l'obstacle de l'âge l'obligera à confier le rôle masculin central à William Holden.

    Cette transition est d'ailleurs soulignée sous la forme de deux clins d'oeil assez amusants qui interviennent de manière indirecte dans l'espace diégétique : l'affiche de L'Homme des hautes plaines épinglée dans le cinéma où se rendent un soir Frank et Breezy et une apparition hitchcockienne qui voit Eastwood accoudé à une rambarde au moment de la promenade des deux amants.

    breezy.jpg

    Ce tournant n'était visiblement pas du goût de tous.

    Si le film fut tout simplement passé sous silence par une grande partie de la presse de l'époque, solidement attachée à l'étiquette attribuée de manière hâtive à l'acteur-réalisateur, il ne fallait pas non plus compter sur ses plus fervents admirateurs pour le soutenir, trop déconcertés par cet objet qui semblait ne pas correspondre du tout aux attentes que suscitait alors leur idole.

    Bref, peu de voix s'élevèrent pour défendre ce film, à quelques rares exceptions près, comme la revue Positif en France, qui, dans une notule aussi brève que discrète, attira l'attention de ses lecteurs sur l'intérêt qu'ils devaient porter à cette sortie timide.

    La conclusion de cet article laissait même poindre l'esquisse d'une remise en question: «

    Pourquoi [son intelligence] nous a t-elle surpris, sinon par une identification un peu facile de l'acteur avec ses rôles les plus connus? ». (1)

    Eastwood a longtemps fait l'objet de cette méprise, du fait principalement de ses rôles marquants des années 1970.

    Pourtant, au début de cette décennie, Eastwood faisait déjà mentir ses détracteurs les plus féroces.

    Encore fallait-il prêter une oreille attentive à ce qui sonne à plus d'un titre comme une défense face aux accusations sévères proférées à son encontre.

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    Breezy préfigurait en effet, vingt ans avant Sur la route de Madison et son concert de louanges, la veine sentimentaliste du metteur en scène qui recueille aujourd'hui tous les suffrages de la critique.

    Breezy partage avec ce film la même volonté de transformer, dans une économie de moyens remarquable, un canevas de départ éculé en une oeuvre forte et singulière.

    Par ailleurs, il n'est pas interdit de voir dans le personnage de Frank Harmon une projection directe des futures méditations du cinéaste sur la vieillesse, la fuite irrémédiable du temps et l'urgence de l'engagement qui en découle.

    Il est en ce sens intéressant d'observer qu'Eastwood met à nu William Holden, usé par le poids des années, de la même façon qu'il le fera des années plus tard, dans une appréhension bien plus masochiste, avec son propre corps, ses fêlures et sa fatigue.

    Le cinéaste est depuis passé maître dans l'art de filmer l'élégance d'une ride ou l'éclat d'un visage creusé par le passage du temps.

    Revoir Breezy aujourd'hui, c'est se remettre en mémoire que toutes ces interrogations étaient déjà en germes dans ce coup d'essai.

    Dans cette optique, il paraît commode, au premier abord, de le considérer comme une simple ébauche des films à venir.

    Et pour cause, Eastwood, dont la maîtrise est incontestablement moins ostensible qu'elle ne le sera dans le futur, se montre parfois hésitant et approximatif dans ses choix de mise en scène.

    Mais cette candeur dans l'exécution semble participer au caractère affable de la douce proximité qu'entretient le film avec son spectateur devant lequel se dévoile le lent travail d'apprentissage d'un cinéaste dont le style, en gestation, commençait à peine à se constituer.

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    Objet fragile et vulnérable, à l'image de la relation qu'il a choisi de nous conter, Breezy semble néanmoins être caressé en son entier par la sérénité formelle qui caractérise son metteur en scène.

    La délicatesse du geste eastwoodien, associée à la sensibilité de son approche, réserve à ses plus beaux moments une retenue et une contenance qui semblent suspendre le temps de la narration.

    En témoigne cette séquence épatante où les deux amants se font face tout en se déshabillant.

    La grâce de ce flottement ne dure que quelques dizaines de secondes mais participe de façon pleine et entière à la mise en place de la rhétorique élaborée par le cinéaste.

    Eastwood tente de capter ce qu'il y a de plus indicible dans ces instants où l'essentiel se joue dans les non-dits, les regards, les attentions.

    Autrement dit, travailler l'insaisissable pour mieux le rendre palpable.

    En creux, le refus délibéré de l'outrance et de la fioriture traduit un minimalisme de la démarche qui va distiller par petites touches une émotion discrète.

    De ce point de vue, le film se distingue des futures préoccupations mélodramatiques du cinéaste qui vont plutôt reposer sur un sens aigu de l’effet émotionnel charrié.

    Un seul plan: Breezy, espiègle et spontanée, découvre l'océan pour la première fois.

    A l'intérieur de sa voiture, Frank Harmon l'observe, au moyen d'un ingénieux cadre dans le cadre, comme si se déroulait devant ses yeux le spectacle improbable d'un nouveau départ.

    Mais bien plus qu'une nouvelle expérience amoureuse, leur aventure est aussi celle d'un éveil sensuel qui le ramène métaphoriquement à la vie.

    Le contact de Breezy le pousse à redécouvrir la beauté fugace d'un éclat de rire, la tendresse d'un murmure ou le bonheur simple de goûter aux douceurs d'un océan.

    A ses côtés, ressaisir le temps devient impératif, mieux : c'est une nécessité.

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    La pudeur et la subtilité eastwoodiennes viennent battre en brèche l'aspect potentiellement scandaleux du sujet.

    Jamais, à la vision de Breezy, l'indignation devant une indécence présumée n'effleure l'esprit de son spectateur.

    La commission de censure américaine ne le vit pas du même oeil et imposa une classification sévère, rangeant le film aux cotés des productions « pour adultes », ce qui l'amputa encore d'une partie non négligeable de son public.

    Les acteurs ne sont évidemment pas étrangers à la volonté affichée de dissiper un malaise éventuel.

    William Holden, dont le talent ne nous était pourtant pas inconnu, apporte au rôle de ce vieux loup solitaire, en proie à des sentiments inavoués et inavouables, une profondeur et une gravité qui inspirent une admiration redoublée.

    Ses silences qui font écho aux paroles troublantes, à la limite de l'irrévérence, que laissent échapper Breezy, réalisent la prouesse de dire l'essentiel en une fraction de seconde: succomber, chavirer, se défaire peu à peu de ses inhibitions, et dans un même mouvement, saisir l'angoisse de ce que l'on est en train de concrétiser.

    Cette faculté de mêler des sentiments contraires au détour d'un plan confirme, si besoin était, son emprise totale sur le jeu.

    Holden ressortira particulièrement enchanté de cette expérience, à tel point qu'il se déclara prêt à retravailler avec Eastwood sans même prêter attention au sujet proposé.

    A ses cotés, l'inexpérimentée Kay Lenz, préférée à Sondra Locke lors du casting, nous séduit par sa fraîcheur désinvolte et sa maîtrise innée du métier.

    Entre rôles sans consistance dans des productions médiocres et apparitions furtives à la télévision, sa carrière ne prit jamais l'élan qu'aurait dû lui apporter Breezy.

    Cet acte manqué ne doit pas faire oublier cette interprétation de haute volée qui sait allier l'authenticité des sentiments exprimés à la justesse de la composition.

    Le personnage qu'elle incarne, partagé entre naïveté et lucidité, fougue et sérénité, maturité et innocence, est un des plus beaux que le cinéma d'Eastwood nous ait offert.

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    L'association, gracieuse et mesurée, entre les deux acteurs, est pour beaucoup dans la chaleur immédiate que dégage le film.

    Et, s'agissant de la recherche de cet effet particulier, il faut également saluer la participation précieuse de Jo Heims, dont c'est la deuxième collaboration avec Eastwood après Un Frisson dans la nuit.

    Cette scénariste, issue de la télévision, donne aux dialogues, parfaitement ciselés, une finesse et une justesse dans l'écriture qui n'atténuent en rien la spontanéité de leur déclamation.

    En prenant bien soin de s'attacher d'abord à dessiner les contours intérieurs de ses personnages, faits de tensions, de révoltes, mais aussi de désirs, de foi et de liberté, Eastwood, dont l'observation se fait discrète, laisse le temps à cette histoire d'amour hautement problématique sur le papier d'exister.

    Sa mise en scène se lance précisément en quête d'une incarnation, condition sine qua non pour que soit déjoué ce péril initial.

    Sa grande force est sans doute de nous faire croire que cette romance va de soi, au delà des différences et des barrières que la construction dramatique va d'ailleurs mettre en lumière en empruntant la voie balisée et classique d'une énumération quasi-méthodique.

    Dans une marche pondérée, elle va ensuite s'efforcer de réunir ces contraires.

    Un précepte que l'on pourrait d'ailleurs appliquer à toute l'oeuvre du cinéaste dont le traitement entend ici briser la carapace, faire tomber les masques et laisser parler les peurs les plus profondes pour approcher au mieux ce qui unit les deux membres d'un couple qui se cherche et s'apprivoise.

    Habitée par un tourment qui n'ose dire son nom, l'histoire du film est aussi celle d'une lutte intérieure entre le désir sexuel et amoureux et le retour à la raison réclamé par la différence d'âge qui sépare les deux amants.

    Le récit s'attache à décrire ce combat d'un homme contre sa propre adversité mais le bloc d'indifférence affiché initialement par Frank se disloque rapidement devant l'irrésistible et, masqués par la pénombre, les corps finissent par s'enlacer pour donner lieu à l'une des séquences les plus fameuses du long-métrage : de retour chez lui après une fête, Frank, déçu de trouver la maison déserte, s'apprête à se coucher et ôte sa chemise, une main surgit alors de l'obscurité pour se poser sur son torse ; le corps juvénile de Breezy entre dans la lumière et étreint le physique robuste et défaillant d'un homme qui abandonne enfin toute résistance.

    Ces instants charnels frappent par la pureté de leur composition picturale.

    Bien avant Jack N. Green ou Tom Stern, le chef opérateur Frank Stanley, dont la photographie exploite à merveille les contrastes de lumière du lieu, a parfaitement su lire les aspirations de son maître d'oeuvre, souvent perspicace dans le choix de ses collaborateurs.

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    Eastwood, dont la caméra épouse la forme délicate de ses sujets, a toujours manifesté un goût prononcé pour le filmage des corps, non pas dans le rapport sexuel en lui-même, mais en ce qu'ils nous révèlent sur les faiblesses de leurs hôtes.

    Ici, cette poétique ne cesse de nous dire dans un même temps l'évidence de la relation, comme si ces corps devaient se lier, mais les obstacles, qu'ils soient sociaux ou moraux, nuisent à la simplicité des rapports amoureux.

    L'improbabilité de la liaison de ces deux destins et la précarité de leurs attaches sont en effet sans cesse rappelées par l'influence néfaste de l'environnement social et de ses représentants qui par sous-entendus et regards incrédules brisent le halo de protection dans lequel baignaient les deux amants.

    Il faut donc s'en détacher ou se réfugier dans un antre affectif.

    La grande villa de Frank sur les hauteurs de Los Angeles, qui semblait n'être peuplée que de fantômes, joue précisément ce rôle d'ancrage spatial et temporel.

    La construction dramatique s'articule sur la possibilité de fin d'errance qu'offre ce refuge à travers les apparitions et les disparitions de Breezy, elles-mêmes déterminées par l'hésitation affective de Frank.

    Autour d'elle se greffe également la tension entre sédentarité et nomadisme qui a toujours préoccupé le cinéaste dans des oeuvres aussi diverses que Impitoyable, Le Maître de guerre ou Honkytonk Man.

    Même s'il peut paraître à bien des égards insaisissable, l'édifice eastwoodien affiche une cohérence qui dépasse les simples frontières génériques et les diverses correspondances entre ses films ne manquent pas de nous le suggérer avec insistance.

    Le sentiment de liberté et d'évasion des obstacles dressés par la société moderne et urbaine émane lui presque exclusivement de ces séquences insouciantes où la nature semble irradier le cadre pour entrer en communion avec ses personnages.

    L'effet surprenant de cette immersion dans le paysage est obtenu grâce à une variation de focale particulièrement spectaculaire.

    Ces errements bucoliques, qui par leur empreinte et leur rythme visuels revendiquent leur appartenance au cinéma des seventies, ne sont pas sans rappeler certains passages d'Un frisson dans la nuit dans lequel un couple profitait aussi d'une paix éphémère pour s'épancher au sein d'une nature accueillante.

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    L'inscription dans ces années 1970, synonymes de mutations multiples, ne se limite pas à la seule filiation esthétique.

    Dans une peinture nuancée, Eastwood commence en effet déjà à prendre le pouls d'une Amérique dont il va explorer les failles en stigmatisant ses mentalités et ses attitudes les plus rances.

    Breezy surfe sur la vague de ces films typiquement seventies qui dressent le constat désabusé d'une société fondée sur le culte de la réussite et de la consommation.

    La représentation corrélative d'une bourgeoisie américaine rongée par l'hypocrisie et le conformisme s'incarne notamment dans le personnage de Bob Henderson, ami de Frank Harmon et parfait représentant de l'américain moyen.

    Il agit très exactement comme un négatif et ne voit dans la relation amoureuse vécue par son compère qu'une manifestation du démon de Midi.

    Un démon de Midi qui nourrit d'ailleurs ses propres fantasmes.

    Qu'ils jouent le rôle de déclencheur, de miroir réfléchissant ou de négatif des personnages principaux (Bob pour Frank donc mais aussi Marcy pour Breezy), le tableau que brosse Eastwood des rapports humains est enrichi par les seconds rôles qui gravitent autour du couple et lui donnent ainsi une plus grande consistance.

    Ils nous encouragent d'ailleurs à mieux appréhender ce qui est en jeu dans cette relation.

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    Breezy, comme son nom le laissait déjà entendre (2), va venir bouleverser le mode de vie et de pensée d'un Frank Harmon dont les certitudes se frottent très rapidement à l'idéalisme forcené de la jeune fille.

    Cet agent immobilier, qui a pris la décision de ne plus s’occuper que de sa vie professionnelle, use de son cynisme comme d’un mécanisme de défense pour s’épargner les douleurs d’une nouvelle liaison.

    La rupture qu'il amorce avec Breezy va d'ailleurs le conduire à regoûter au danger de sa propre solitude qu'il entrevoit dans les drames vécus successivement par Betty et Marcy, personnages aux situations antagonistes mais qui partagent le même manque affectif.

    Si l'on force légèrement la portée de la métaphore, l'irruption de Breezy dans la vie de Frank peut être lue comme une représentation de la tempête qui souffla sur l'Amérique d'alors, tournée vers le changement et la révolution des moeurs.

    Autour de ce microcosme se cristallisent en effet les tensions générationnelles d'une société tiraillée entre deux aspérités.

    La romance va opérer un métissage de ces deux cultures dont la confrontation fait d'abord naître une incompréhension avant d'affirmer la possibilité d'une conciliation.

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    En filigrane de cette peinture duelle semble se dessiner, dans l'espace environnant de la jeune fille dont les membres n'ont pas la même capacité de faire fi des difficultés rencontrées, le portrait d'une jeunesse livrée à elle-même.

    A l'image de Marcy justement, jeune droguée à la fragilité tenue dont on suit la lente dégradation.

    S'il reste surtout bienveillant à l'égard de son personnage féminin central, le regard du cinéaste sur l'ensemble de cette communauté n'est jamais réprobateur.

    La distance et le don d'observation qu'il accorde à ces exclus confessent une réelle volonté de déjouer les pièges d'un moralisme guetté par ses accusateurs et fait ainsi un joli pied de nez à leurs attaques incessantes sur une vision du monde supposément conservatrice voire réactionnaire.

    Fidèle en cela à toute une tradition classique, Eastwood, ne se prononce pas pour autant en faveur d'un libéralisme excessif et semble plutôt naviguer entre deux eaux.

    Il est toutefois possible d'affirmer qu'il a toujours manifesté une certaine méfiance envers toute forme d'organisation sociale qui viendrait brider les marges de manoeuvre personnelles.

    Une nouvelle fois, cette romance fournit une illustration possible de ces interrogations.

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    Même s'ils donnent l'impression de se définir d'abord par rapport à lui, Breezy et Frank ont ceci en commun qu'ils vivent en retrait de leur milieu d'origine.

    En refusant de les figer dans un corps social défini, le cinéaste leur donne la possibilité d'échapper à un certain déterminisme au nom de la conception individualiste de l'homme qu'il a cherché à mettre en avant tout au long de sa carrière.

    La scène finale, qui voit Breezy s'écarter de ses comparses pour rejoindre Frank, propose une très belle figuration de ce détachement.

    Finalement, la pérennité de leur décision importe peu.

    Il s'agit avant tout de montrer qu'ils ont su s'émanciper des conventions pour mieux goûter à ce qui les unit et retrouver ainsi un véritable libre-arbitre, débarrassé des apparats imposés par une quelconque organisation régulatrice.

    Les amants peuvent alors s'éloigner dans la profondeur de champ pour se jeter à corps perdu dans l'incertitude du futur, accompagnés de leur chien Love-a-Lot, seul lien qui les rattache à l'image du couple « moyen ».

    Vingt ans plus tard, la relation déchirante entre Robert Kincaid, photographe à National Geographic et Francesca Johnson, fermière de l'Iowa, ne connaîtra pas le même sort.

    Dans Sur la route de Madison, l'issue de la romance est en effet envisagée sous un angle sacrificiel.

    La passion ne peut plus se bercer d'illusions et doit se soumettre à la limitation temporelle de son exercice.

    Sur la route de Madison et Breezy s'offrent comme les deux versants d'un même regard. Le yin et le yang du mélodrame selon Eastwood.

    Quand s’inscrit à l’écran le générique final, une question brûlante se pose : comment cette petite perle a pu échapper à la vigilance de ses contemporains ?

    On peut légitimement penser que Breezy arrivait trop tôt pour un inconscient collectif encore profondément marqué par le Magnum 44 de Harry Callahan d'autant plus que le polar de Siegel continuait à faire débat au moment de la sortie du film.

    Eastwood, lui, était déjà bien loin de toute cette agitation et commençait, de sa force tranquille, à prendre en main une carrière qui n'a eu de cesse de se construire à contre-courant des modes, de brouiller les pistes et de bousculer les attentes.

    Voilà sans doute un des enseignements majeurs de ce parcours singulier, sans doute contrasté, mais qui affirmait dès son entame une vraie indépendance artistique.

    Mais plus prosaïquement, l'explication est peut-être à chercher du coté de l'absence de l'acteur au générique du long-métrage au profit de l'implication totale du metteur en scène dont la popularité et le crédit accordés étaient alors largement moindres.

    Certaines affiches américaines de l'époque ont d'ailleurs cherché à mettre en avant la personnalité d'Eastwoood en ajoutant son portrait en médaillon, en dessous des visages des deux personnages principaux.

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    En conséquence directe de cet échec commercial (relatif car le film ne coûta que 750 000 dollars), Eastwood sera sommé de revenir vers les genres qui ont fait sa renommée pour retrouver les faveurs de ses partenaires financiers qui commençaient à s'inquiéter de ses velléités d'éclectisme.

    Très affecté par ce rendez-vous manqué, il ne s'éclipsera à nouveau derrière la caméra que quinze ans plus tard avec Bird.

    Signe peut-être que le vent avait depuis tourné en sa faveur et qu'une reconnaissance méritée était en marche.

    La redécouverte de Breezy met l'accent sur le caractère tardif de ce revirement tant l'audace dont il faisait preuve ici aurait dû suffire à lui conférer un réel statut de cinéaste intègre, exigeant et touche à tout.

    Le film fut exhumé en 2001 en France, à l'occasion d'une ressortie parisienne et fit même l'objet d'une diffusion télévisuelle presque simultanée au Cinéma de minuit animé sur France 3 par Patrick Brion (programmation qui, pour l'auteur de ces lignes, fut le point de départ d'une véritable passion).

    Cette double visibilité retrouvée avait fini de redorer le blason d'un film resté trop longtemps dans l'ombre.

    A notre modeste échelle, il nous paraissait important de faire œuvre de réhabilitation en vous invitant vivement à réparer l'injustice dont il a fait l'objet.

    ***

    1. Positif n°170, p. 73 – 06/75
    2. Breezy est un mot anglais qui signifie « venteux » mais aussi « gai, jovial ». (Traduction issue du dictionnaire Robert and Collins).

    http://www.dvdclassik.com/Critiques/breezy-clint-eastwood-universal-dvd.htm

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  • Florence Burgat : "La barbarie invisible envers les animaux"

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    Le 21 mai 2008, des hommes armés et cagoulés issus d’une troupe d’élite de la police autrichienne, investissaient brutalement des bureaux d’associations et des domiciles privés de défenseurs des droits des animaux, saisissant le matériel (ordinateurs, documents, brochures) et arrêtant dix militants.

    Neuf d’entre eux, parmi lesquels des dirigeants de plusieurs associations, ont été maintenus en détention préventive et viennent d'être relâchés le 2 septembre.

    Que leur est-il reproché ?

    Les prévenus ne se sont pas vus imputer des délits commis individuellement ; ils sont accusés d’appartenir à une « organisation criminelle » nommée Front de libération animale (ALF).

    Le dossier constitué par l’accusation comprend la liste des délits attribués à l’ALF sur le territoire autrichien au cours des dernières années, sans qu’aucun élément ne vienne étayer l’implication des prévenus dans ces délits.

    Quels sont ces délits ?

    Il s’agit de sept attaques à la bombe puante, sept bris de vitrines, trois cas de graffitis, deux détériorations de biens (un mirador d’affût et une volière à faisans vide), deux sauvetages d’animaux (cochons et faisans) sans dégâts matériels et une lettre de menace.

    Etant donné le caractère mineur de ces délits, quand bien même des preuves auraient été réunies pour les imputer aux prévenus, il est difficile de comprendre pourquoi on ne les a pas laissés en liberté jusqu’à leur jugement.

    Cet état de fait s’explique par le recours à une loi extraordinaire : l’article 278a du code pénal autrichien.

    Cet article (prévu pour lutter contre le terrorisme, la mafia, le trafic d’êtres humains) permet de prolonger la détention préventive jusqu’à deux ans et de limiter l’accès des prévenus et des avocats au dossier les concernant.

    Signalons parmi les réactions exprimées face à cette affaire, dès le mois de juin, l’inquiétude d’Amnesty International Autriche face à l’utilisation abusive de l’article 278a, et les réserves ou la désapprobation de parlementaires sociaux démocrates et verts autrichiens.

    Si un recours en appel a donc tout récemment abouti à la libération des militants emprisonnés, l’accusation portée contre eux de former une « organisation criminelle » n’a pas été levée.

    Comment expliquer un coup de filet si brutal contre un milieu qu’on se contentait autrefois de marginaliser par le mépris, en le ridiculisant et le caricaturant à l’envi ?

    C’est que depuis une quinzaine d’années, le mouvement de la défense animale s’est structuré et professionnalisé, internationalisé aussi, s’emparant de la question de l’exploitation des animaux (boucherie, chasse, pêche, expérimentation, corrida, cirques et zoos, fourrure) pour en mettre la réalité au grand jour, réfléchir aux fondements théoriques de cette exploitation et en interroger la légitimité.

    Cette réalité révèle que nous sommes assis sur une couche de barbarie invisible, rationalisée, propre, dont ne nous sont livrés que les produits finis — fétichisme somme toute véniel de nantis, rien de plus, rien de grave.

    Ne sommes-nous pas forts d’un humanisme bien pensant qui nous prémunit du pire ?

    Notre tranquillité de consommateur, notre sentiment de ne participer à rien d’indigne pouvaient cependant s’en trouver ébranlés.

    L’élevage et l’abattage industriels, en particulier, étaient montrés, certaines productions, comme le foie gras, décrites dans la factualité de leur processus.

    Il y a, certes, un grand pas à franchir entre la mauvaise conscience naissante et le passage à l’acte de s’abstenir d’acheter désormais tel ou tel produit.

    De là à porter atteinte aux filières industrielles de la viande, la route semblait interminable.

    Pourtant, le mouvement autrichien a atteint le seuil où il nuit sensiblement aux intérêts liés aux productions animales : la moitié des exploitations de poules pondeuses ont fermé à la suite de l’interdiction des cages.

    Parmi les mesures les plus spectaculaires récemment obtenues dans ce pays, citons en 2005 : l’interdiction des spectacles de cirques avec des animaux sauvages (et interdiction de la simple détention de tels animaux par les cirques, même s’ils ne sont pas utilisés dans les représentations), l’interdiction des élevages d’animaux pour leur fourrure, l’interdiction des élevages en batterie de poules pondeuses.

    En 2006, l’interdiction de l’expérimentation sur les grands singes et en 2008, l’interdiction de l’élevage de lapins en cages.

    Avant même l’entrée en vigueur de cette dernière mesure (2012), les associations ont obtenu de grandes chaînes de distribution (Merkur, Adeg, Spar) qu’elles cessent de commercialiser des lapins élevés en batterie.

    À la revendication d’une protection des animaux au cours des utilisations dont ils sont l’objet (méthode d’abattage plus indolore, interdiction des pièges à mâchoires, agrandissement des cages…) afin de leur éviter les « souffrances inutiles » et sans que soit remis en cause de principe de leur utilisation, fit suite une réflexion morale et politique sur les « droits des animaux », ruinant ainsi leur statut de moyens au service des fins de l’homme.

    Cette affaire est préoccupante à bien des égards : des militants n’ayant en rien porté atteinte à des personnes et menant campagne pour défendre des intérêts qui ne sont pas les leurs sont jetés en prison ; c’est la liberté de pensée et d’expression qui se trouve menacée.

    L’immense masse muette des animaux qui sont enfermés, engraissés, gavés, mutilés, « vivisectionnés », piégés, égorgés voit ses avocats privés de parole et de liberté.

    Qui a intérêt à criminaliser la protection animale ?

    Florence Burgat, philosophe, directeur de recherche à l'INRA.

    Dernier ouvrage paru : Liberté et inquiétude de la vie animale, Paris, Kimé, 2006

    http://philosophie.blogs.liberation.fr/noudelmann/2008/09/la-barbarie-inv.html

  • "Je me nourris de vos déchets" (Nouvel Obs)

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    La révolution est au bout de la benne à ordures !

    Triskel, 25 ans, récupère les déchets non par nécessité mais par choix. Il est membre des Freegans, de la contraction de « free » (gratuit) et « vegan » (végétalien).

    Un mouvement lancé par des militants écologistes aux Etats-Unis pour dénoncer le gaspillage.

    Triskel, qui vit à Aix-en-Provence, en est le fer de lance en France. Il a monté le site Freegan.fr (http://freegan.fr/) qui prône « l'autoproduction alimentaire » et indique à l'apprenti « déchétarien » les « meilleurs plans poubelles ».

    Triskel connaît par coeur l'horaire de la sortie des poubelles des supermarchés du coin. « Faut se pointer à 4h 30 du mat, et là c'est bingo » -, mais il a fait une croix sur les grands hypermarchés de banlieue « qui passent tout à la broyeuse alimentaire ».

    Dans les déchetteries, il récupère piles, objets divers et surtout plein de métaux : « Un vrai filon, je me fais 200 à 300 euros par mois avec ça. » Il trouve son savon et son shampooing dans les poubelles des hôtels quatre étoiles.

    « Quand vous voyez tout ce qu'on jette, c'est dingue. Parfois je ramène tellement de marchandises qu'il faut que je les stocke chez des amis qui ont de grands congélos. »

    Triskel a fait des émules en France, à Tours, Paris, Le Havre... « Il y a des étudiants qui sont ric-rac sur leur budget. Mais aussi des salariés qui font ça par pur militantisme. »

    Grâce aux poubelles, Triskel assure en tout cas « ne manquer de rien ». La seule chose qu'il ait eu besoin de s'acheter récemment ? « Ma carte Wi-Fi, ultrapuissante. A vrai dire, j'en avais trouvé une à la déchetterie, mais elle n'était pas top... »

    Doan Bui

    http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2275/articles/a376943-.html?xtmc=vegan&xtcr=1

  • Livre : "La Fin de l'exception humaine", Jean-Marie Schaeffer (Gallimard)

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    Jean-Marie Schaeffer La Fin de l'exception humaine
    Gallimard - NRF Essais 2007 / 21.50 € - 140.83 ffr.446 pages
    ISBN : 978-2-07-074999-7
    FORMAT : 14,0cm x 20,5cm

    L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

    Le livre de Jean-Marie Schaeffer, chercheur au CNRS, enseignant à l'EHESS, se veut ambitieux.

    Ses travaux s’inspirent des outils de l’analyse structurale, des sciences cognitives et de la philosophie analytique.

    Il s'en prend à ce qu'il appelle la Thèse de l'exception humaine.

    Que dit-elle ?

    Elle affirme que l'homme fait exception parmi les êtres de la terre.

    Cette exception serait due au fait que, dans son essence, l'homme possède une dimension ontologique qui transcende la réalité des autres formes de vie et sa propre « naturalité ».

    La thèse revêt trois formes majeures.

    Premièrement, elle refuse de rendre l'identité de l'homme à la vie biologique.

    L'homme serait un sujet autonome et fondateur de son propre être (philosophies du XXe siècle comme la phénoménologie, le néo-kantisme, l'existentialisme).

    La seconde situe le lieu de la transcendance dans le social : l'homme est « non naturel », ou « anti-naturel ».

    La troisième soutient que c'est la culture qui constitue l'identité de l'être humain, et que la transcendance culturelle s'oppose à la fois à la nature et au social.

    La thèse joue donc de l'opposition entre « nature » et « culture » et postule une rupture ontique à l'intérieur de l'ordre du vivant.

    Selon elle, le monde des êtres vivants est constitué de deux classes disjointes, les formes de vie animales d'un côté, l'homme de l'autre.

    Cette rupture ontique n'oppose pas seulement deux domaines du vivant, celui de l'humain et celui de l'animalité, mais redouble cette dualité à l'intérieur de la conception de l'homme lui-même : corps/âme, rationalité/affectivité, nécessité/liberté, nature/culture, instinct/moralité, etc.

    La thèse implique une interprétation particulière du dualisme ontologique, c'est-à-dire de la croyance en l'existence de deux plans de l'être, un plan matériel et un plan dit spirituel.

    Elle implique aussi une conception gnoséocentrique de l'être humain, en affirmant que ce qu'il y a d'exclusivement humain dans l'homme, c'est la connaissance (connaissance épistémique ou connaissance éthique).

    Jean-Marie Schaeffer s'en prend à Descartes, à son opposition âme/corps : si l'homme seul est « esprit », c'est parce qu'il se définit comme être pensant.

    La pensée cartésienne accorde le privilège à la conscience autoréflexive sur toute autre modalité cognitive : le postulat de la rupture ontique adossé à une définition gnoséocentrique de l'homme va servir à légitimer le dualisme ontologique.

    Descartes n'est pas seulement mis en cause mais aussi Husserl même si la philosophe a critiqué le gnoséocentrisme scientiste du XIXe siècle.

    Si Descartes admettait l'unité de statut ontique, du corps humain et des animaux, il affirmait que l'essence de l'être humain ne résidait pas dans sa corporéité, mais dans sa pensée, et que les animaux n'étaient que pure corporéité.

    Cette rupture était fondée sur l'établissement d'une dichotomie ontologique donnée en amont de toute incarnation ontique c'est-à-dire que Descartes avait posé la détermination ontologique du cogito comme pure nécessité de pensée en amont de toute détermination ontique non seulement de la corporéité mais aussi de l'âme.

    Pour l'auteur, l’espèce humaine s’intègre dans la continuité du vivant et une approche externaliste de l’homme est fondatrice.

    Jean-Marie Schaeffer bat en brèche l’explication monocausale de la nature humaine.

    Pour lui, l'unique description sérieuse concernant la provenance et la nature de l'être humain est celle de la biologie de l'évolution.

    Celle-ci implique une naturalisation de l'identité humaine : l'homme n'apparaît pas simplement comme un être qui a un aspect biologique, elle implique une historisation de l'identité humaine.

    Elle rapatrie l'être humain dans l'histoire de la vie sur terre.

    La notion d'espèce humaine n'y fonctionne pas comme un type qui déterminerait l'évolution, mais comme la résultante de l'histoire reproductive des individus.

    Nous voilà dans une conception non finaliste : l'évolution n'est pas guidée par une téléologie transcendante ou immanente, mais s'explique en termes de causalité « ordinaire » et de téléonomie (de systèmes auto-organisationnels).

    L'essai est technique et érudit.

    Il nécessite du temps pour saisir l’argumentation et les concepts (philosophiques et biologiques).

    C'est un livre sérieux et exigeant, ardu dans sa démonstration mais tentant d'argumenter le plus rigoureusement possible.

    [...]

    Yannick Rolandeau

    http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=76&srid=0&ida=9294

  • Pietro Leeman, roi de la haute cuisine végétarienne à Milan

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    Premier cuisinier végétarien d'Europe « étoilé » par le guide Michelin, le Tessinois Pietro Leemann a reçu sa première distinction en 1996.

    Depuis, son établissement niché au cœur de Milan est l'une des meilleures tables de cuisine naturelle au monde.

    Installé dans la métropole lombarde depuis la fin des années 80, Pietro Leemann dirige un temple de la gastronomie et un restaurant pas comme les autres.

    Critiques culinaires du monde entier et clients sont unanimes : personne ne sait restituer le miracle de la nature dans une assiette, comme le fait le patron du « Joia ».

    Ses cuissons respectueuses des valeurs nutritives et des aliments, ses subtils mariages de saveurs et ses déclinaisons à l'infini d'un même légume de saison (et biologique) témoignent de son amour pour la nature, mais aussi d'une maîtrise technique hors du commun.

    Architecture gastronomique

    Pietro Leeman veut ainsi préserver le goût de chaque ingrédient (pas de fusion) afin de parvenir à une harmonie gustative globale.

    Véritable « architecte » en cuisine, comme il se décrit lui-même, il aime donner au plat une forme esthétique (comme ses étonnants œufs carrés) qui rappelle que, pour naturelle qu'elle soit, la cuisine n'en est pas moins une création humaine.

    « Je n'ai jamais cessé d'apprendre et de poursuivre mes recherches et mes explorations culinaires.

    Une formation continue qui m'a fait voyager sans discontinuer de 16 à 29 ans, en Suisse et dans le reste du monde », explique Pietro Leemann qui avoue aussi « cuisiner tout le temps. »

    Se sentant trop à l'étroit dans le carcan gastro-culinaire qui caractérise la nouvelle cuisine européenne du milieu des années 80, le Tessinois, fasciné par les cultures orientales, prend le large et part pour l'Extrême-Orient en 1986.

    Pas de retour en arrière

    Après un séjour de deux ans en Chine et au Japon, et une immersion totale dans la culture locale, Pietro Leemann revient sur le Vieux Continent.

    « Mais, je me sentais à l'étroit dans mon métier, tel qu'il était pratiqué à ce moment-là sous nos latitudes.

    J'ai vite compris que je n'avais plus ma place dans cette conception de la gastronomie.

    Je ne pouvais plus rentrer dans ce moule que j'avais quitté deux ans auparavant », se souvient le maestro.

    Dès lors, un choix s'imposait :

    « ou je bifurquais vers une autre voie, en rentrant dans les ordres par exemple, confie sans ironie ce chrétien pratiquant, ou j'ouvrais mon propre établissement pour y mettre en œuvre une cuisine en cohérence avec ma philosophie et respectueuse des dons de la nature ».

    Un temple zen

    Aussi tôt dit, aussitôt fait. Avec un groupe d'amis - qui ont quitté le navire après quelque temps - le Locarnais inaugure un temple zen de la haute cuisine naturelle et végétarienne dans le centre de Milan.

    Mais, les débuts sont laborieux.

    La carte des menus proposée par le « Joia » détonne avec les canons gastronomiques du moment.

    « Il faut s'imaginer que, lorsque nous avons ouvert, Milan ne comptait en tout et pour tout qu'un seul restaurant japonais. Aujourd'hui, il y en a 400! Sans compter une foule d'enseignes ethniques en tous genres... », se remémore le Tessinois.

    Mais, Pietro Leemann s'accroche et poursuit sa croisade, celle d'une «alimentation bonne et saine, pour vivre mieux, dans son corps et dans son esprit».

    Le temps finit par lui donner raison. Les mentalités évoluent et l'intérêt pour l'alimentation alternative comme pour la gastronomie végétarienne ne cesse de croître.

    Un choix éthique et spirituel

    Si la carte du « Joia » propose quelques rares mets à base de viande et de poisson, le grand chef a quant à lui définitivement tourné le dos à la chair animale, œufs compris.

    Au point que ce sont ses collaborateurs qui se chargent d'apprêter ces ingrédients.

    Plus le temps passe et plus le besoin de vivre rigoureusement selon les préceptes végétariens se fait sentir.

    « Aujourd'hui, me trouver aux côtés de quelqu'un qui mord dans une cuisse de poulet ou déguste un morceau de viande, me met très mal à l'aise.

    C'est une question d'éthique et de philosophie », confie Pietro Leemann.

    « La nourriture que l'on mange fait ce que nous sommes.

    La nourriture est dotée d'une charge énergétique incroyable, et je ne parle pas que de l'aspect nutritif.

    Certains aliments peuvent nous aider à élever notre degré de conscience spirituelle », ajoute le grand cuisinier.

    « Mon plat préféré ? Une assiette de riz basmati mélangé à des lentilles, le tout parfumé de gingembre frais ».

    Difficile de faire plus simple.

    La frénésie de la grande ville

    Mais, vivre en harmonie avec la nature et le plus sainement possible n'est pas toujours facile dans une ville aussi animée et frénétique que la métropole lombarde.

    « C'est vrai, soupire Pietro Leemann, c'est une lutte au quotidien, je dois constamment me recentrer sur moi-même.

    C'est pourquoi, je m'impose chaque jour un rituel spirituel et une hygiène de vie rigoureux, dont je ne m'éloigne jamais. »

    La rythme effréné, qui caractérise la vie milanaise a d'ailleurs poussé son épouse à revenir au Tessin, afin de permettre aux deux enfants du couple de grandir dans un environnement offrant une meilleure qualité de vie.

    « Cela fait deux ans que je passe deux jours par semaine auprès de ma famille dans le Val Maggia », explique ce papa de deux fillettes.

    Sous cet angle, le « Joia » représente un havre de paix et une sorte d'Eden au cœur de la ville.

    « C'est vrai, c'est un univers protégé.

    Mais c'est un choix, qui correspond à ma manière de fonctionner et de concevoir la vie. »

    Swissinfo, Nicole della Pietra à Milan

    http://www.swissinfo.ch/fre/a_la_une/Pietro_Leeman_roi_de_la_haute_cuisine_naturelle_a_Milan.html?siteSect=105&sid=8799362&cKey=1204556720000&ty=st&rs=yes