The Body Shop a toujours été le chouchou des défenseurs des animaux : lobbying sur les listes de discussion et forums pour demander aux "amis des animaux" d’acheter cette marque, distribution d’échantillons dans la rue au nom de la cause animale (sic !). Et les étudiantes qui distribuent des échantillons L’Oréal devant les supermarchés, elles le font peut-être pour la cause féminine, qui sait ?
Mais le vendredi 17 mars 2006, un crime a été commis : le méchant L’Oréal a osé faire main basse sur le gentil Body Shop. Sacrilège ! Les associations de protection animale contre-attaquent en demandant à leurs militants de boycotter The Body Shop. Pourquoi avoir attendu 2006, alors que Body Shop existe depuis 30 ans et traîne de nombreuses casseroles ? Pourquoi combattre les tests cosmétiques et ne rien faire, voire approuver les tests médicaux ? Quelle crédibilité a donc ce boycott ?
Qui est The Body Shop ?
Version défenseurs des animaux : Une marque artisanale de cosmétiques qui sentent bon la fraise et la vanille et puis ils ne testent pas sur les animaux, eux, même que c’est marqué sur les flacons et que les associations animales demandent d’acheter cette marque.
Version consommateurs avertis : C’est super cher, pour ce que c’est !
Version écologistes et défenseurs des droits des indigènes :The Body Shop est un de ces groupes mondiaux qui surfent habilement sur le marketing "éthico-vert". il n’y a rien de mal à cela, sauf que cette société a été épinglée plusieurs fois pour tromper le consommateur sur le commerce équitable et écologique.
Survival International, Greenpeace London, Jon Entine d’Ethical Corporation Magazine, Michael Johnson d’International Management magazine etc., ont dénoncé cette compagnie pour être contre les syndicats, rémunérer faiblement ses salariés, exploiter les peuples indigènes (les indiens Kayapo au brésil, les indiens Pueblo aux US, etc.), tromper les consommateurs avec des produits faussement naturels (mais vraiment pétrochimiques : sopropyl myristate, petrolatum, triethanolmine, formol etc.) et faussement "sans cruauté" envers les animaux (des ingrédients à base de sous-produits animaux provenant des abattoirs, des ingrédients qui ont été testés sur les animaux avant 1991 etc.).
Pour en savoir plus, lisez les articles :
The Queen of Bubble Bath
THE BODY SHOP FILE : Beyond "Shattered Image"
What’s wrong with The Body Shop - a criticism of ’green’ consumerism
Qui est L’Oréal ?
Version écologistes et défenseurs des animaux :L’Oréal c’est un peu le McDonald’s de la cosmétique. C’est le plus grand, le plus puissant, le plus arrogant, alors c’est plus fédérateur de s’attaquer à lui, comme c’est plus fédérateur de stigmatiser McDo plutôt que Quick.
L’Oréal est particulièrement haï par les défenseurs des animaux (sauf l’association PETA qui n’a jamais rien trouvé à redire sur lui) car il teste les molécules de ses nouveaux ingrédients sur les animaux (comme virtuellement toutes les marques cosmétiques, c’est la loi). Et puis, il est surtout responsable d’avoir fait reculer la législation européenne sur l’arrêt des tests cosmétiques, date qui aurait dû être appliquée en 1998, puis repoussée en 2003 pour être finalement adoptée en 2009. Pour en savoir plus, lisez, Lobby de la France pour continuer les tests cosmétiques sur animaux
Paradoxalement, L’Oréal est également leader dans le domaine des méthodes substitutives à l’expérimentation animale en cosmétologie. Cette compagnie a, par exemple, dans sa besace les brevets Episkin®, SkinChip®, SkinEthic®. Son centre parisien d’essais cliniques est très connu dans le milieu estudiantin pour recruter régulièrement des volontaires afin de tester leurs produits de soin et de maquillage moyennant rémunération (autour de 100 euros).
Il est grand temps que L’Oréal montre l’exemple et se décide, une bonne fois pour toutes, de n’utiliser que des méthodes substitutives en toxicologie. Le choix est large : test de diffusion de l’agarose, microphysiomètre, etc. Pour en savoir plus, lisez Les alternatives aux tests de toxicité sur animaux
Les associations de protection animale et les tests cosmétiques
En France, quand les richissimes associations animales dénoncent la "vivisection", leur stratégie est de s’assurer un maximum de donations par des campagnes ultra consensuelles tournant quasi exclusivement sur les chiens et les tests cosmétiques. En effet, c’est plus facile de manipuler l’émotion du grand public avec les photos de chiens [1] plutôt que de rongeurs [2], et puis, les tests cosmétiques [3], qui est pour ? Personne ! Mais le son de cloche est différent quand il s’agit de "recherche médicale".
Les discours clairs et cohérents basés sur l’abolition de toute forme d’expérimentation animale sont savamment évités, pour ne fâcher aucun (potentiel) donateur.
Un exemple symptomatique est le cas Fondation 30 millions d’amis qui focalise son discours "anti-vivisection" sur les tests cosmétiques [4]. Dans son dossier "les horreurs de l’expérimentation animale" diffusé sur son site, la fondation écrit : "Notre priorité reste aujourd’hui d’interdire l’expérimentation animale en cosmétologie, persuadée que le développement de nouveaux produits de beauté n’est pas un objectif nécessaire et suffisamment important pour justifier l’utilisation et la mort de milliers d’animaux".
Condamner les tests cosmétiques, parce que c’est "frivole, inutile, pas nécessaire, pas suffisamment important ... ", renforce toujours plus l’idée qu’il y aurait des raisons sérieuses, importantes et nécessaires d’utiliser, d’empoisonner et de tuer des animaux. Ce n’est pas avec ce genre d’attitude ambiguë que l’on conscientise et informe le grand public sur l’expérimentation animale. C’est donner raison aux partisans de la vivisection !
La médaille de l’hypocrisie revient à l’association britannique Naturewatch dont l’objectif autoproclamé est de faire des campagnes contre la cruauté sur animaux (campaigning against animal cruelty). Depuis juin 2000, cette association organise une campagne de boycott contre L’Oréal. Rien d’étonnant donc qu’elle demande à ses sympathisants de boycotter The Body Shop puisqu’il appartient dorénavant à L’Oréal [5].
Malheureusement, pour NatureWatch, seule compte la lutte contre "la cruauté sur animaux" avec les tests cosmétiques. En effet, celle-ci n’hésite pas à encourager l’expérimentation animale dans les autres domaines en faisant la promotion des 3 R (Raffiner, Remplacer et Réduire) sur son site [6]. Les 3 R permettent à tout vivisecteur lambda de continuer, la conscience tranquille et avec la bénédiction des associations animales, d’expérimenter sur les animaux. Pour en savoir plus sur les 3 R, lisez :
Le chapitre : Les 3 R, un cadeau pour les vivisecteurs
L’article : Aren’t the 3Rs ("Reduce, Refine and Replace") the best way to phase out animal experiments ?
Deux exemples de discours cohérents au milieu du marasme de la protection animale :
Kathy Archibald, consultante scientifique pour l’EFMA :"EFMA ne soutient qu’un seul R : Rayer (l’expérimentation animale). Une pratique scientifiquement sans valeur ne peut être remplacée par une " alternative ". La science dispose déjà d’une pléthore de méthodes plus efficaces (et non " alternatives " !) ".
André Menache, consultant scientifique pour Animal Aid : " Ceux qui soutiennent les 3R promulguent la vue "obligatoirement malveillante" de l’expérimentation animale et prétendent qu’on ne peut l’abolir jusqu’à ce que toutes les expériences, qui existent par millions, soient remplacées par des "alternatives". Ce serait un processus sans fin. Les expérimentateurs sur animaux déclarent que chaque expérience doit être certifiée au cas par cas pour obtenir une valeur scientifique et une justification. Cependant, ils ne sont pas prêts à le faire ".
L’arnaque du marketing "Produits non testés sur les animaux"
Les sites StopVivisection.info et VegAnimal.info ne recommandent aucune liste de type "produits sans cruauté ou produits cosmétiques non testés sur animaux" diffusée par des associations de protection animale, à cause d’un manque de cohérence et de fiabilité.
Avant tout, ces listes mentionnent des marques dont les produits renferment de nombreuses substances chimiques. Pour les "amis des animaux", sachez que ces substances chimiques empoisonnent beaucoup plus d’animaux dans la nature que les quelques milliers d’animaux en labo pour tester les cosmétiques. Alors, ne négligez pas l’impact de ces poisons sur la faune !
De plus, si ces marques ont bien une charte de non-tests sur animaux (au même titre que Nike peut avoir une charte de non-fabrication de chez chaussures par des enfants), elles ne peuvent pas garantir (mais ne font qu’affirmer sans qu’il n’y ait de travail d’investigation de la part des associations pour vérifier) que tous leurs fournisseurs n’aient jamais eu recours à l’expérimentation animale sur leurs ingrédients.
Voici une analyse intéressante de la marque LUSH sur le marketing éthico-animal :
« Il y a des sociétés de cosmétiques bien connues qui se conforment à tous les standards des organisations contre la cruauté et qui continuent à acheter des ingrédients à des sociétés qui font des tests sur les animaux.
Comment ? Voici quelques exemples :
Les sociétés de cosmétiques peuvent acheter des ingrédients qui ne sont pas testés sur des animaux chez un fournisseur qui continue à tester d’autres ingrédients sur des animaux.
Les sociétés de cosmétiques peuvent, tout en respectant les conseils donnés par des organisations contre la cruauté, utiliser des ingrédients qui ne sont pas testés pour leur utilisation dans les cosmétiques mais qui le sont pour leur utilisation dans les aliments. Prenons par exemple les colorants. Les couleurs doivent être re-testées si une société alimentaire veut augmenter la quantité qu’elle utilise. Pourquoi se donner la peine ? Sûrement nous devrions plutôt lutter pour réduire les niveaux d’ingrédients artificiels dans les aliments au lieu de l’utiliser comme une justification pour faire des tests sur les animaux.
L’argent que vous dépensez sur des cosmétiques qui portent le signe officiel contre la cruauté pourrait peut-être utilisé pour les tests sur les animaux. »
Commentaires de Franck Schrafstetter (ancien directeur de campagnes de l’association One Voice) : " Les listes de produits " sans cruauté ou non testés sur animaux " diffusées par des associations animales ne présentent qu’une fiabilité trop partielle, du fait qu’il n’y a pas d’audit. L’entreprise n’a aucun intérêt à financer un tel audit indépendant - la demande de produits non testés n’étant pas suffisamment significative - et les associations n’ont pas les moyens nécessaires. Par conséquent tout est une question d’honnêteté de l’entreprise qui elle-même doit être sûr de l’honnêteté des fournisseurs qui eux-mêmes... Bref, il y a tant de fournisseurs d’ingrédients dans tant de pays du monde que la traçabilité devient complexe... la confiance ne suffit plus, d’autant que certains considèrent ne pas tester parce que ne testant pas sous la réglementation des produits cosmétiques, mais sous celle des produits chimiques ! Nuance des mots, qui ne change rien aux faits sur les animaux. Et que penser de firmes qui apparaissent sur des listes non testés, mais qui apparaissent sur les listes rouge d’association écologiques, car contenant des produits particulièrement nocifs ? Faut-il une fois de plus séparer le combat pour la sauvegarde de la nature, de celui de l’homme et de l’animal ? Je crois que l’achat le plus fiable est celui de produits naturels - bio. Si la garantie n’est pas totale, elle est optimum, car exempt de nombreux produits de synthèse obligatoirement testés sur animaux, elle représente, à mon avis, la meilleure alternative pour la nature et la santé humaine. "
Notes :
[1] 21 000 chiens ont été utilisés au sein de l’UE pour l’année 2002.
[2] Plus de 8 millions de rongeurs ont été utilisés au sein de l’UE pour l’année 2002.
[3] 2 691 animaux ont été utilisés pour des tests cosmétiques au sein de l’UE en 2002.
[4] Encore une stratégie marketing qui ne fâche personne et remplit le tiroir-caisse sans traiter en profondeur l’expérimentation animale : dans la rubrique "pétition contre l’expérimentation animale", la fondation 30 millions d’amis propose un pétition "DITES NON A L’EXPÉRIMENTATION ANIMALE POUR LES PRODUITS DE BEAUTÉ ". Super inutile comme pétition mais tellement consensuelle !
[5] L’article publié dans The Guardian concernant l’appel au boycott de Body Shop par NatureWatch : Activists call Body Shop boycott.
[6] " Naturewatch is strongly in favour of the 3Rs, as we believe that it provides a viable framework by which the use of animals in research may be improved and ultimately phased out ". Pour accéder à la rubrique 3 R du site de NatureWatch, cliquez ICI.
http://www.stopvivisection.info/article.php3?id_article=131