Le fondateur de la Sea Shepherd Conservation Society, Paul Watson, posait en début de semaine devant son navire, le Farley Mowat, dans le port de Sydney en Nouvelle-Écosse, où le bateau attend de reprendre la mer. Reuters
Marc Allard - Le Soleil - Québec
Au moment où la chasse aux phoques se met en branle au large des côtes de Terre-Neuve et Labrador, l’animaliste Paul Watson ne relâche pas la pression pour dénoncer ce type d’activité.
Alors qu’il vient tout juste d’être libéré sous caution après son arrestation par la GRC, le capitaine du Farley Mowat est déjà prêt pour repartir au combat.
Avant que ce dernier ne reprenne le large, Le Soleil s’est entretenu avec le controversé personnage.
Paul Watson n’est pas retourné aux Îles de la Madeleine depuis 1995, parce qu’il avait été chassé. À coups de poing sur la gueule.
Durant son séjour, le fondateur de la Sea Shepherd Conservation Society (SSCS) était allé filmer un cimetière pour établir un rapport entre les morts locaux et les phoques tués sur la banquise.
Enragés, environ 75 Madelinots s’étaient regroupés devant son hôtel à Cap-aux-Meules. Paul Watson avait été sévèrement tabassé et il avait dû être escorté jusqu’à un avion par des policiers de la Sûreté du Québec.
Lorsque Paul Watson a dit au début du mois que le massacre des phoques était plus tragique que la mort des quatre chasseurs de L’Acadien II, plusieurs Madelinots auraient aimé qu’il revienne faire un tour.
Si de nombreux Québécois ont l’impression que Paul Watson vient de remplacer Brigitte Bardot dans le rôle du détestable animaliste, ce corpulent moustachu tente en fait d’entraver la chasse aux phoques depuis plus de 30 ans dans le golfe du Saint-Laurent.
Au début des années 80, les Madelinots se souviennent qu’il avait été jusqu’à éperonner un de leurs bateaux. Un chasseur qui se trouvait sur la glace avait failli se noyer. Roger Simon, de Pêches et Océans Canada, se souvient d’avoir entendu l’avertissement de Paul Watson sur les ondes : « Arrêtez de chasser. Ou on vous fonce dessus ! »
Ce n’est pas un hasard si Paul Watson appelle sa flotte « La marine de Neptune », le dieu romain des océans et des mers. Il ne considère pas son ONG comme un simple regroupement pour la protection de la faune maritime. Plutôt comme une police des hautes mers.
« Nous sommes une organisation interventionniste. Et on intervient contre les activités illégales », dit-il au téléphone, à bord d’une voiture qui roule sur l’île du Cap-Breton, où il a payé en pièces de 2 $ la caution de 10 000 $ pour faire libérer les membres de son équipage qui ont été emprisonnés après la saisie du Farley Mowat par la GRC.
Toute l’année, Paul Watson vogue d’un océan à l’autre, traquant les chasseurs de baleine dans l’Antarctique, les chasseurs de dauphins dans le Pacifique, les chasseurs de requins au large des îles Galapagos, les chasseurs de phoques dans le golfe du Saint-Laurent.
Pour leur faire obstacle, le fondateur de la SSCS n’hésite pas à éperonner, à aborder ou même à saboter des navires à quai, comme il l’a déjà fait en 1992, avec un navire norvégien qui servait à la chasse aux requins.
Admirateurs et ennemis
Pour son culot, Paul Watson a reçu le soutien d’une longue liste de vedettes internationales militant pour le droit des animaux, comme Mick Jagger, Pierce Brosnan, Sean Penn, Edward Norton, Orlando Bloom, Uma Thurman et, évidemment, Brigitte Bardot. Le dalaï-lama l’a même comparé à une divinité bouddhiste.
Mais Paul Watson est aussi détesté qu’il est adulé. Des autorités en Islande, au Danemark, au Japon, au Costa Rica et au Canada l’ont dénoncé. Greenpeace, dont il est un des cofondateurs, ne veut plus rien savoir de lui depuis qu’il a été mis dehors à la fin des années 70 parce qu’il était jugé trop agressif.
Paul Watson estime que son ONG est la seule à vraiment poser des gestes pour protéger la faune marine. Depuis 30 ans, il accuse les groupes environnementaux comme Greenpeace de faire de l’argent sur le dos des phoques parce qu’ils sont si mignons.
La chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, qui a démissionné du comité consultatif de la SSCS à cause des propos de son fondateur, estime malgré tout que Paul Watson est sincère lorsqu’il affirme se préoccuper moins de financement que du sort des animaux. L’ennui, c’est qu’en semant autant la controverse, « il crée des distractions qui empêchent de voir les vrais enjeux », ajoute celle qui le connaît depuis une vingtaine d’années.
Paul Watson, 57 ans, est un écologiste radical. Il croit que les êtres humains sont des parasites qui sont en train de tuer leur hôte, la planète. Il a déjà exigé des mesures draconiennes pour réduire la population mondiale sous le milliard et dit que le cancer est « un remède aux problèmes de la nature ».
Il a comparé l’extermination des baleines à l’Holocauste. D’un point de vue écologique, souligne-t-il, les vers de terre sont plus importants que les humains puisque les premiers peuvent se passer des seconds.
Comme tout son équipage - souvent des jeunes idéalistes qui ont la moitié de son âge -, Paul Watson est végétalien. Il est contre toute forme de chasse. « Les gens doivent comprendre que les animaux pensent, qu’ils ressentent comme nous, dit-il. On peut vivre dans un monde imaginaire où on prétend que ce sont des végétaux. Mais ils ne le sont pas. »
Paul Watson aime raconter qu’il est devenu un guerrier pour le droit des animaux avant la puberté. Il a grandi dans un village de pêcheurs au Nouveau-Brunswick. À l’âge de 10 ans, un oncle l’a amené à la chasse aux phoques, et il en a vu un se faire tuer.
« Ç’a été une des choses les plus horribles que j’ai vues de ma vie, dit-il. Et je me suis dit qu’à l’avenir, je ferais tout en mon pouvoir pour mettre fin à cette chose. Ce n’est pas nécessaire, c’est barbare et à cause de ça, j’ai honte d’être Canadien. »
Naissance de Greenpeace
Au début des années 70, Paul Watson et une vingtaine d’environnementalistes ont fondé Greenpeace à Vancouver. Après une campagne très médiatisée contre des baleiniers russes au large de la Californie, Paul Watson a insisté pour que l’ONG sauve les phoques.
Plusieurs membres se sont opposés, jugeant qu’il valait mieux se concentrer sur les baleines. En 1976 et 1977, Paul Watson a tout de même réussi à réunir des militants sur les banquises près de Terre-Neuve.
Lors du deuxième voyage, il s’était fâché contre un chasseur et avait jeté ses peaux et son gourdin dans l’eau. À la suite de cet incident, les membres de Greenpeace, une ONG pacifique, avaient décidé à l’unanimité de l’exclure. Paul Watson fondait ensuite la Sea Shepherd Conservation Society pour protéger les océans comme il l’entendait.
Trente et un ans plus tard, Paul Watson se félicite entre autres d’avoir sauvé des centaines de baleines, de dauphins et de requins et d’être à l’origine de la campagne qui a mené à la fin de la chasse aux bébés phoques, en 1983.
Paul Watson explique qu’un de ses principaux objectifs, cette année, était de filmer «le massacre des phoques» pour fournir des preuves aux Européens, qui songent à interdire les produits dérivés du phoque. Dans quelques années, croit-il, cette chasse sera révolue. « Les prix baissent, dit-il. L’industrie est en train de mourir. »
En attendant, ne comptez par sur lui pour tempérer ses propos. Ou s’excuser. « Je suis comme un acupuncteur. J’insère mon aiguille dans l’opinion publique et j’espère une réponse. Je brasse, je crée des controverses, j’essaie de faire réfléchir les gens sur ces enjeux. Et tu ne peux faire ça qu’avec du drame, du théâtre et en étant un fauteur de troubles ! », s’esclaffe-t-il.
http://www.cyberpresse.ca/article/20080419/CPSOLEIL/80418255/6787/